0-under-my-skin-0

~Antre de Riku-san~

Samedi 24 avril 2010 à 19:19

Titre : Solitude
Date de création : 5 avril 2009
Genre : Triste - Relation homosexuelle entre hommes

La pluie tombe et m'arrose le visage. Le béton froid me donne des frissons. Je suis allongé là, sur le dos, laissant un filet de sang courir le long de mon menton. Quelques gouttes d'eau me tombent dans les yeux mais je tiens absolument à regarder ce ciel grisâtre qui démontre le chaos de mon propre esprit. J'ai mal au cou, là où une lame m'a tranché quelques minutes plus tôt. J'ai du mal à respirer. En même temps, je n'ai pas envie d'inspirer l'air pollué de cette ville merdique, ni cette odeur de sang qui coagule sur moi. Quelques points noirs envahissent ma vue, je sens ma tête qui tourne.

Vous vous demandez ce qui a bien pu se passer ? J'vais vous le raconter. Je dois me remémorer tout ça, pour ne pas oublier.

J'ai rencontré Denis dans un bar. La trentaine tapante, les cheveux colorés d'une teinture brune et une carrure d'athlète par excellence, il m'a tapé dans l'œil dès qu'il a franchi la porte. Quelques mèches tombaient devant son regard ténébreux, sa veste en cuir ruisselait de flotte. Nous n'avions pas cherché à nous parler. Les gestes suffisaient. Je me suis approché de lui, j'ai passé mes doigts sur sa nuque et nous nous sommes retrouvés dans les chiottes pour se taper une partie de jambes en l'air. C'était... exaltant.
On se voyait tous les jours. Je revenais tout le temps à la même heure dans ce bistrot merdeux pour être sûr de le croiser. La même rengaine à chaque fois : quelques gestes, quelques regards brillants et en avant pour la baise. Il était mon meilleur coup. J'ai appris son nom grâce à la carte de visite qu'il m'avait laissé un jour. Il bossait dans la publicité... Un mec riche et arrogant.
Le manège dura deux bons mois avant que je ne comprenne ses intentions. Par hasard, encore un jour de pluie, je l'ai croisé dans le Boulevard. Accompagné de types en noir, Denis semblait imposant et sûr. Derrière ses lunettes noires, il observait le coin comme un aigle aux aguets. Bizarrement, j'ai eu peur de lui. Bien sûr, il remarqua très vite ma présence –j'étais le seul petit con à côté d'un lampadaire taggé. Ses compagnons ont sorti des armes à feu et je me suis enfui comme un lièvre, entendant la course poursuite derrière moi et des balles siffler à mes oreilles.
En fait, je n'avais pas peur.
J'étais effrayé.
Après avoir couru pendant une quinzaine de minutes, je me suis arrêté au supermarché de la Grand'Rue. Dans un lieu public, je savais que personne n'oserait me planter. Au rayon surgelé, je me suis appuyé à une étagère congelée pour reprendre mon souffle. Je tremblais comme une feuille, je me sentais mal, je défaillais. Les gens me regardaient suspicieusement. Petit pisseux de quinze ans, pâle et en sueur, qui attirait l'attention des plus curieux. Une grosse dose de solitude me tomba alors sur les épaules ; je me rendais compte à quel point les êtres humains étaient égoïstes, jaugeant les plus faibles sans chercher à comprendre ce qu'ils avaient. Une main sur le front, j'ai fini par ressortir de cet endroit bondé de monde. L'heure de pointe.
C'est dans un tournant qu'on m'attrapa avec brutalité et qu'un couteau coupa ma peau au niveau de la gorge. Laissé là, au milieu de la chaussée déformée, allongé comme un macchabée, je me retrouve donc à fixer ce ciel pourri qui ne cessait de hanter mes souvenirs. Le sang mélangé à l'eau dégoulinait encore. J'étais sûr et certain d'y rester. Quelques cris me parvinrent –une bonne femme terrorisée qui s'est barrée en courant.
Connasse.
Appelles l'ambulance.
J'essaie de lever la main vers ce dos qui m'échappe, j'essaie de parler mais je sens un nouveau flot de liquide épais couler le long de mon cou nu. Plus aucune douleur, plus aucune sensation. Puis je ne sens plus les gouttes de pluie. Un visage est là, au-dessus de moi. Accroupi à côté de moi, Denis me fixe indifféremment derrière sa paire de lunettes de soleil.
J'ai peur.
Il m'embrasse alors sur les lèvres –un petit smack merdique et mouillé. Je le vois mettre des gants en plastique avant qu'il ne s'arrache un morceau de tee-shirt et le passe autour de mon cou. Silencieusement, il éponge mon sang. Devrais-je le remercier ? Je n'en ai pas le temps. Il se relève et disparaît... J'entends les sirènes des ambulances. Quelques personnes s'attroupent autour de moi, je ferme les yeux et me laisse aller sur le brancard.
Faible...

J'ouvre les yeux dans une chambre d'hôpital. Une infirmière blonde se ballade dans la pièce, essayant de ne pas faire de bruit mais me défonçant les oreilles avec ses rangements de flacons. Je tourne la tête mais ressens une vive douleur. Je tente de cacher un gémissement mais la blondasse s'approche de moi en souriant tragiquement.

_ Vous n'avez pas le droit de tourner la tête, monsieur.

Depuis quand on me donne des ordres ? Toute aussi conne que l'autre qui s'est barrée en courant.
Les jours passèrent, les semaines, et les médecins étaient formels eux aussi : je ne serai plus capable de tourner la tête sans ouvrir la cicatrice. J'ai fini par sortir et me voilà en train de marcher en direction de la boulangerie. Ma mère m'a collé un vieux type de cinquante-six ans comme garde du corps, pour éviter un nouveau drame. Comme si ce papi allait me défendre avec ses muscles flasques et ses mains ridées. Arrivé à destination, j'entre dans le petit magasin et m'approche des baguettes de pain. Le journal régional attire mon attention et je vois la photo de Denis en première page. Laissant tomber ma course, je prends le quotidien et lit l'article.

Fredericks Denis, retrouvé mort.
Depuis plusieurs années, la police suivait les traces de cet escroc allié à la Mafia. Chef d'un gang, Denis Fredericks était jugé dangereux par les autorités. Travaillant dans une agence de publicité depuis dix ans, il était loin d'attirer l'attention de ses employés. Deux vies, deux hommes. C'est dans un endroit reculé de la ville, si longuement inspecté par les autorités, que le corps de Denis Fredericks a été retrouvé le 18 juin, la tempe percée d'une balle. L'arme lui appartenait et tout porte à croire qu'il s'est bel et bien suicidé.

Une larme roule le long de ma joue. Je le remarque au bout de quelques secondes. Mon soi-disant garde du corps attrape mon bras et me conduit hors de la boulangerie après avoir vivement retiré le journal de mes mains. Je me rends compte à quel point j'ai été con. Denis avait cherché à me soigner, à m'aider en attendant les secours. Pendant deux mois il a dû être taraudé de questions à mon sujet et moi, comme un petit merdeux, j'avais peur de lui. Finalement, il s'est donné la mort dans une profonde solitude, dans un endroit reculé et sombre.
Seul.
Je me sens seul.
Et je sens aussi qu'il l'était.

Samedi 24 avril 2010 à 19:23

Titre : Soirée bien arrosée
Date de création : 30 août 2009
Genre : Réalité - Léger humour
Note personnelle : J'ai changé la réalité mais je me suis réellement occupée d'une Amie bourrée. Je me levais toutes les heures dans la nuit de mercredi à jeudi pour être sûre qu'elle ne soit pas sur le dos.

« Excuses moi...
_ Tu n'as pas à t'excuser, arrêtes.
_ Je m'en veux de me montrer aussi pitoyable... »
Je m'agenouille au bord du lit pour te regarder de plus près, passant le bout de mes doigts sur ta joue encore humide de morve. Tu as passé la soirée à picoler, à te torcher la gueule, et voilà que tu es chez moi, dans la chambre d'amis, à vomir tes tripes et à t'excuser pour tout ce merdier. Te voir aussi faible me rend malade. Jamais je n'aurai pu imaginer que tu te laisserai plonger dans l'alcool, à boire en solo des culs secs sans trouver le moyen de t'arrêter. Si j'avais su...
Tes yeux sont remplis de larmes que tu ne laisses pas couler, tu poses ton regard sur moi, implorant. Tu aimerai que ton calvaire finisse et je te comprends parfaitement... J'ai la phobie de vomir alors je sais ce que tu ressens. Timidement, tu attrapes la peluche « tigre blanc » que je t'ai si gentiment prêté pour la nuit et tu murmures d'une voix chevrotante :
« Tu n'es pas fatigué ? »
Et je réponds de but en blanc :
« Pas assez pour m'en aller maintenant.
_ J'ai peur de rester seul.
_ Ne t'inquiète pas, je suis là. »
Je remarque alors que tes yeux fixent la bague à ton doigt. Il s'agit de l'alliance de ton père, celle où il y a gravé son nom et celui de ta mère défunte, ainsi que leur date de mariage. Je repense alors à ta génitrice. Elle était si belle, si souriante. Une japonaise que ton père avait rencontrée à Paris. Combien de fois l'histoire avait-elle été racontée ? Je me souviens de ses éclats de rire lorsque ton père racontait l'une de ses blagues idiotes. Ou encore de ses longs cheveux noirs qui flottaient au vent alors qu'elle prenait soin de ses rosiers. Elle était tout simplement magnifique. Lorsqu'elle a perdu la vie en montagne, plus rien n'a été pareil. Nous avions tous perdu quelque chose de précieux. Quand je parlais avec elle, à l'abri des oreilles indiscrètes, elle ne me jugeait pas et tentait simplement de m'épauler sans pour autant me donner de conseil.
Aujourd'hui, alors que tu vomis tout l'alcool et la tarte flambée que tu as ingurgités, je vois à quel point les choses ont évolué dans un sens mauvais. L'alcool a pris le dessus sur ta vie et tu bois à la première occasion, au grand dam de ton père. Malgré moi, je cherche déjà une excuse que tu pourrais présenter à ton paternel lorsque tu rentrera chez toi demain matin. C'est alors que je t'entends marmonner :
« Connasse... »
Aussitôt, je me crispe. Serais-tu en train d'essayer de me parler ? De te livrer un peu pour expier tes erreurs et démarrer une nouvelle vie ? Je n'ai pas le temps de me poser des questions aussi farfelues. Je te regarde, passe le bout de mes doigts dans tes cheveux fins. Tu as hérité de la beauté japonaise de ta mère...
« De qui parles-tu ? Demandais-je.
_ Ce n'est qu'une connasse... »
Je saisis alors le sens de ces paroles. Ton père a rencontré une femme il y a quelques mois et, depuis plusieurs semaines maintenant, elle vit avec vous dans votre luxueuse maison campagnarde. Je l'ai vu deux ou trois fois et je ne l'ai pas trouvé sympathique. Plutôt antipathique même. C'est alors que je sens la douleur irradier de ton corps. Depuis tout ce temps, tu gardes ta rancune au fond de toi sans jamais avoir osé en parler avec ton père. J'essaie de trouver les mots adéquats.
« C'est ta vie, pas la sienne. Pour le moment, ne t'occupes pas d'elle, occupes toi de toi. Il faut que tu ailles mieux. La priorité, c'est que tu te reposes. »
Un léger ricanement traverse tes lèvres. La pression monte. Je me sens mal... Je te vois te pencher, saisir rapidement la bassine et vomir une énième fois dedans. Moi, je me lève, recule légèrement. Je veux rester mais je ne supporte pas l'odeur de gerbe. Ca me donne envie d'en faire autant, même si je n'ai pratiquement rien dans l'estomac. Pourtant, avec ma phobie de vomir, je refrène cette horrible pensée et je t'observe avec difficultés. Vraiment, te voir ainsi me rend triste. Jusqu'à maintenant, tu te faisais passer pour quelqu'un de fort, comme moi. Et je crois que la réalité des choses a du mal à percer en moi –on reste des êtres humains avec des sentiments et des émotions, même si on ne les montre pas.
C'est alors que je m'entends dire :
« Tu n'as pas à t'excuser pour tout ça. Tout le monde a le droit de se laisser aller de temps en temps. Tu crois sincèrement que je ne pleure jamais ? »
Tu me regardes, je le sens. Doucement, tu reposes la bassine sur le sol et tu fermes tes paupières. Mes mains sont gelées, j'ai mal aux yeux. J'ai envie de bailler mais je me retiens. Je ne bouge plus, reste fixé sur le même endroit jusqu'à en avoir mal à la plante des pieds. Le sol craque légèrement mais je ne veux pas te déranger dans ta léthargie. Lentement, je vois ton bras s'affaisser, se poser sur le matelas. Ta respiration devient plus lente, plus grave. Enfin, tu trouves le sommeil.
Je reste à la même place durant un laps de temps inconnu. J'ai mal aux pieds, mes genoux me tirent, mais je m'en fous. Je te regarde avec une compassion doublée d'amertume. Il fallait que tu te bourres la gueule et que tu gerbes pour te livrer un strict minimum à moi. On se connaît depuis plus de quatre années mais je ne connais pratiquement rien de toi. Je m'en rend compte maintenant. J'ai toujours dis aux gens que tu étais une des seules personnes que je respectais entièrement... sans même savoir ce que tu étais réellement. Aujourd'hui plus qu'hier, je me sens proche de toi. Je sais que cette illusion s'effacera dès que tu retrouvera ton punch habituel mais je tiens à garder ce souvenir dans ma mémoire.
Doucement, je me recule vers le mur, m'y adosse, me laisse glisser jusqu'au sol. Mon regard ne quitte pas ton visage aux traits désormais doux, mes sourcils se froncent dans une expression de profonde détresse et mes larmes se mettent à couler dans le silence de la nuit. Je ne pourrais réellement expliquer ce que je ressens mais je sais qu'on a tout de même fait un grand pas dans notre amitié. J'ai pu te prouver à ma manière que je ne te lâcherai pas – tu as pu me montrer à ta manière que tu me faisais un minimum confiance.
Et alors que le sommeil m'emporte doucement avec lui, je revois avec détails le fameux sourire de ta mère, son corps si svelte sous ses robes de modèles Gothic Lolita. Je l'adorais... Et je t'adore tout autant. Je crois même qu'en cette nuit de perdition, ce sentiment que j'ai pour toi est bien plus profond.

La lumière du soleil traverse mes paupières, réduisent mes rétines à un état de douleur sans nom. Je gémis et bouge légèrement. Je suis courbaturé de partout, j'ai surtout mal au dos et au cul. Putain, qu'est-ce qui s'est passé ? J'ouvre difficilement les yeux, entend un bruit de craquement de bois non loin. Devant moi, tu es là à me sourire légèrement, encore endormi mais assis sur le matelas. Faudrait penser à changer ces putains de lattes du sommier parce qu'elles craquent de plus en plus. Je cherche un appui, trouve la poignée de la porte, m'aide à me relever avec celle-ci. Enfin sur mes pieds, je m'étire le plus souplement possible en faisant craquer mes os. Plus jamais, ôh Grand, plus jamais je ne dormirai par terre !
Je m'approche du lit, m'assois sur le bord du matelas, te regarde.
« Alors, ça va mieux ? »
Ta voix est rocailleuse, ton souffle sent la pourriture mais tu me souris toujours légèrement et marmonne :
« Ouais. J'espère que tu m'en veux pas. »
Les choses redeviennent normales. Cette nuit, tu t'excusais ouvertement. Maintenant, tu t'excuses à la façon dont je connais le plus : tu prends le chemin le plus long.
Je souris, penche la tête sur le côté.
« Maintenant, tu vas prendre une bonne douche et abuser du dentifrice. »
Je me lève, vais dans la chambre de ma sœur déjà partie au boulot et pique une grande serviette dans son armoire. Vite fait, je passe par ma piaule et cherche des fringues qui pourraient aller à ton corps assez athlétique et surtout plus grand que le mien. J'opte pour un pantalon large aux poches latérales et un Marcel beaucoup trop grand pour moi.
Après quelques minutes, te voilà sous la douche. Et moi, je remarque enfin que j'ai quelques croûtes sous les yeux. Putain, j'ai réellement pleuré... J'espère que tu ne l'a pas remarqué quand j'étais assis à côté de toi. J'aime pas que les gens sachent que je puisse pleurer, bien que je te l'ai avoué cette nuit. Te rappelles-tu de tout ce qui s'est déroulé ? Je ne chercherai pas à te faire recouvrer la mémoire. C'est bien mieux si tu ne t'en souviens pas.
Tu ressors de la douche, tout frais, et places du dentifrice sur ton doigt à la Système D. Je t'observe alors que je m'habille pas loin, un léger sourire aux lèvres. Je préfère nettement te voir comme ça. Avec la chaleur qu'il fait, je ne mets pas directement un haut et je fonce allumer le PC. Tu m'y rejoins quelques temps plus tard dans ton mutisme que je connais si bien. Nos regards ont toujours suffit pour qu'on se comprenne. Alors je pose mes prunelles sur toi, te souris. Les cheveux ébouriffés, ça te va très bien. J'hésite à te le dire puis, finalement, je prononce :
« Le coiffage en pétard n'est pas si mal sur toi. »
Et, avec ton humour habituel, tu te passes la main dans les cheveux et tu réponds du tac au tac :
« Je sais. Je le vaux bien, voyons.
_ Mais oui, mais oui. »
Je ris légèrement, je fixe l'écran de l'ordinateur. Tu le vaux bien, oui. Mais jamais je ne te le dirai.
La matinée passe très vite. Finalement, moi qui voulais te ramener, je me retrouve condamné à devoir rester à la maison pour surveiller ma grand-mère atteinte de Parkinson. Je rends tes clés que ma sœur t'as confisqué hier soir pour être sûre que tu ne rentres pas complètement blindé, et on se dirige vers ta Punto. Je ressens une horrible douleur dans un coin de mon torse –sans vouloir préciser lequel- et je me force à sourire alors que tu ouvres la portière côté conducteur. Une fois celle-ci refermée, tu ouvres directement ta fenêtre en grand.
« Viens par là. »
Je m'approche, sourcil haussé.
« Qu'est-ce que tu veux ?
_ Te dire au revoir. »
Tu passes ton bras dehors, tes doigts choppent ma nuque et me forcent à me baisser. Ton visage s'avance vers le mien et tu m'offres un rapide et léger smack sur les lèvres. Surpris, je ne daigne pas comprendre ce qui arrive. Tu me souris puis tu enchaînes simplement :
« Je te préviendrai quand je serai arrivé. Passe une bonne journée. »
Marche arrière, marche avant, coup d'accélérateur et hop, te voilà parti. Il m'a fallu deux bonnes minutes pour m'en rendre compte. Finalement, j'éclate de rire tout seul, comme un con, sur le trottoir. Toi et ton humour de débile ! En fait, tu m'as simplement tapé ce smack comme remerciement parce que tu es trop fier pour le dire de vive voix. Et même si j'ai un léger pincement au cœur, je continus de rire alors que je rentre, monte à l'ordinateur et attends le moment où tu viendra me dire que tu es arrivé.

Samedi 24 avril 2010 à 19:24

Titre : Sida
Date de création : 24 août 2009
Genre : Triste - Sentiment de désespoir
Note personnelle : En fait, le titre devrait comporter la mention "en cours" hors, en le relisant, j'ai bien l'impression que je ne peux rien apporter de plus. Alors plutôt que de modifier les choses, je le laisse en version originale.

Me voici là, assis devant toi, à repenser à tous ces moments qui nous ont été volés. Mes genoux frôlent le marbre froid de ta tombe alors que je laisse le bout de mes doigts toucher la seule photographie de toi exposée entre les vases aux fleurs bientôt fanées. Mon visage ne trahit aucune émotion et pourtant, tout au fond de moi, quelque chose s'est brisée. J'ai du mal à avaler ma salive, j'ai mal aux yeux, mais je reste aussi sceptique qu'un mec qui apprend qu'il va mourir –comme toi, il n'y a pas si longtemps.
Il y a encore deux semaines, nous jouions comme des cons au terrain de jeux qui a bercé notre enfance. On a grandi ensemble, on a découvert l'amour ensemble. Nous nous comprenions plus que quiconque.
Je me souviens de ta première copine.
Je me souviens de ton premier vélo.
Je me souviens de tes mains lorsque je m'étais cassé la gueule du toboggan.
N'importe quel moment, je m'en souviens comme si c'était hier. Il a fallu que tu me laisses dans le monde des vivants pour que je vois défiler nos souvenirs communs aussi rapidement qu'un DVD en accéléré. Et alors que je fixe mon regard sur ton visage inerte et souriant, un sanglot s'échappe de ma bouche. Je n'ai pas voulu assister aux funérailles, par craintes d'avoir des représailles. Cependant, je le regrette amèrement. La dernière fois que je t'ai réellement regardé, tu étais sur ton lit d'hôpital...
C'est à cause de moi que tu es mort, et je m'en excuse encore. J'ai pleuré des nuits entières lorsque j'ai appris par inadvertance ce qui t'arrivait. Ma mère en parlait avec la tienne. Ca m'a rendu malade. J'ai vomi tout mon repas, refusé de manger durant des jours... et je suis allé te voir au dernier instant de ta vie.
Quel con j'ai été. Tout ça par rancune. Parce que tu aimais sincèrement ta nouvelle copine, j'ai ressenti une profonde jalousie et une détresse sans précédent, ce qui a provoqué ma perte de contrôle... Et je t'ai violé tout en sachant ce que j'avais.
On a vingt ans. Déjà cinq ans que t'es au courant de ce que mon père m'a fait subir et de ce qu'il m'a légué à l'intérieur –cette maladie irréversible qui me bouffe chaque jour un peu plus. Je te l'ai transmise à mon tour, sans l'avoir voulu, juste sous le coup d'une poussée de possessivité. Quel con... Tu as vécu deux années avec ce virus en toi et tu es mort avant moi... Tu ne m'en as jamais voulu de t'avoir fait subir ça et jamais tu ne m'as avoué que tu étais contaminé. Les jours et les mois passaient sans que tu ne m'en parles. On passait le plus clair de notre temps à faire les cons ; à aller boire un verre au bistrot du coin, à fumer des clopes totalement dégueulasses, à s'installer devant l'unique jeu de rallye avec volant et pédales. Nous avions terminés les cours et nous n'avions même pas envie de trouver un job.
Putain, Mike...
Il fallait que la grippe tombe sur toi pour que tes défenses immunitaires cessent d'opérer et que le Sida prenne de l'ampleur dans tes veines. Du jour au lendemain, hôpital - soins intensifs - morgue. Et moi je traîne ce virus depuis des années... En deux années à l'avoir en toi, t'as succombé plus rapidement que moi. Je suis affreusement dégoûté.
Là, devant ta tombe, je cherche à me faire pardonner sans même savoir ce que tu as pensé durant ces deux ans. La douleur au fond de moi est tellement forte que je ne ressens pratiquement rien ; juste un grand vide dans l'esprit. Le noir entoure mes plus heureux souvenirs et le passé m'échappe complètement. Notre vie a cessé de défiler devant mes yeux et je demeure inlassablement indifférent devant ton portrait. Bien des gens meurent tous les jours, dans notre stupide monde. Et il a fallu que la Faucheuse vienne te prendre à moi, égoïste que je suis.
J'entends un aboiement pas très loin. En dehors du cimetière, un gamin promène son Jack Russel. Irrémédiablement, ça me fait penser à toi. Tu te souviens, quand tu m'as montré Tommy pour la première fois ? Tes parents t'avaient offert ce magnifique Labrador noir à tes sept ans. Tu étais fou de joie. Tellement fou que tu es sorti en tee-shirt dans le froid de décembre pour venir me le montrer.
Mes yeux fixent ce gamin et son petit chien jusqu'à ce que ces derniers disparaissent au coin d'une rue. J'ai mal. Affreusement mal. Le fait de voir ce gosse me tourner le dos alors que ce n'est même pas toi me rend véritablement amer. C'est alors que je ressens toute la pression retomber d'un coup. Je me sens faible, mortifié. Et je me laisse enfin aller à des pleurs retenus durant tant d'heures. La fatigue me submerge, m'enveloppe, mais je pleure encore et encore. Je colle bientôt mon front au marbre froid et mes larmes s'écoulent entre les microfissures.

Samedi 24 avril 2010 à 19:26

Titre : Le Beau et le Monstre.
Date de création : 13 avril 2010
Genre : Conte d'adolescence


Voilà que j'croise deux clochards d'une vingtaine d'années en train de baiser. La nana trop maquillée me fixe de ses yeux aussi luisants que ceux d'un chat. L'autre con, au-dessus d'elle, lui donne de violents coups de reins. Son bide rond joue de sa graisse dans un bruit de succion.
Ecoeurant.
Je n'ai jamais eu de vacances idylliques. Je vois toujours des trucs à faire gerber. A croire que je n'ai pas de chance.
Je passe donc mon chemin, un goût glauque en bouche, et je marche le long des murs. Personne ne fait attention à moi, personne ne me voit ; personne ne me touche. Je me fonds dans le décor. Depuis longtemps maintenant, je suis quelqu'un qui erre sans but précis –une âme en plein désespoir. A moins que je n'ai pas d'âme ? Je n'en sais rien. Je viens d'un Autre Monde. Le genre de monde qui vous fait peur dans vos cauchemars les plus sombres.
Autour de moi, les bruits me laissent indifférents. J'observe, je guète. Mais jamais ne m'implique.
J'ai oublié ce que c'était que d'être avec quelqu'un, d'être aimé, d'avoir une conversation. J'ai tout simplement oublié ce que c'était qu'une relation sociale.
Je suis un Monstre.

J'entre dans un bar. Derrière le comptoir, le barman au nœud papillon à la gorge ne daigne même pas lever les yeux des verres qu'il essuie et me lance simplement « Qu'est-c'que j'vous sers ? ». Indifférent, silencieux, le visage caché dans la pénombre qu'offrent mes cheveux mi-longs noirs, je tourne mon regard vers la carte scotchée sur le bar et y pose un doigt à la peau pâle. Doucement, je descend mon index le long de la liste des boissons puis m'arrête sur un choix irréel et sans importance « Vodka ».
Le barman prend tout son temps pour me servir. Pendant ces minutes, je m'installe sur une des hautes chaises et observe, entre mes cheveux raides, les quelques personnes présentes en cette fin de journée. Le bistrot est un peu vide mais certains habitués grommelaient entre eux et tapaient des poings alors qu'ils regardaient les résultats du PMU.
Décevant.
Exaspérant.
Affligeant.

Je tourne le dos à la salle. Ma veste en cuir me colle à la peau mais je l'ignore, levant mon verre en portant un toast silencieux à ma Solitude, puis je bois une gorgée de Vodka pure. Mon gosier le ressent mais j'ai pris l'habitude de boire au moins un verre d'alcool chaque jour. Au début, je m'en souviens, je toussais à n'en plus sentir mes amygdales et j'en avais les larmes aux yeux. Maintenant, ces liquides grossiers me coulaient dans la gorge comme une lettre qu'on glisse à la Poste.
Derrière moi, la porte du bar s'ouvre. Je sens le courant d'air frais me chatouiller la nuque pour le peu que mes cheveux le laisse passer. J'entends des rires fracassants, des voix tonitruantes et des commentaires plaintifs. Des filles parlaient, survoltées, des mecs renchérissaient en riant avec animosité.
Une belle brochette de lycéens débiles.
Pas la peine de me retourner pour en être certain.

Je les entends tous s'installer dans un coin de la salle et un type décide de commander pour tout le monde. Ses pas écrasent le parquet alors que je l'écoute s'approcher. Des frissons d'horreur me parcourent le dos alors qu'il passe derrière moi et je grogne silencieusement en serrant les dents. Je ne supporte pas qu'on passe derrière moi ! Un humain, qui plus est –être rachitique et égoïste.
« Cinq Coca et quatre bières Pression, s'il vous plait. »
Le barman marmonne une réponse et prépare la commande à son rythme d'escargot.
Dépêches toi, connard, que ce type se barre et me laisse seul à ce foutu comptoir !
Pris d'une soudaine curiosité –allez savoir pourquoi-, je jette un coup d'œil sur le côté, gardant toujours mon visage dans l'ombre. C'est alors que je tombe nez à nez avec deux yeux vert émeraude qui me fixent avec une certaine gaieté. Surpris, je détourne la tête et boit une nouvelle gorgée de Vodka.
« Mais que vois-je ? » entendis-je. « Ne serait-ce pas le GPDLC ? »
J'avale difficilement ma salive. Ce surnom me poursuit depuis belle lurette et je n'arrive toujours pas à l'encaisser. Gothique Psychopathe De La Classe. Bande de pourritures. A côté de moi, c'est cet enfoiré de Mac O'Leary, le sportif de la classe. Moi qui pensais être tranquille en ce premier jour de vacances. Je suis une ombre, une silhouette indistincte de la race humaine. On ne me remarque jamais alors pourquoi ce type vient me faire chier, maintenant ?! D'ailleurs, il ne m'a jamais adressé la parole jusqu'à présent. Et je lui en foutrai, moi, des GPDLC ! C'était son coach, son prof' de sport, qui m'avait surnommé ainsi. Les adultes sont tout aussi cons que les ado'.
Je trouve ça déplorable.
Détestable.
D'autres types avant moi s'étaient donnés la Mort parce qu'ils en avaient assez d'être le souffre-douleur des gens.
Moi, j'ai les couilles de rester en Vie. Je sais que ça fait chier le monde. Et je sais aussi que je ne vaux rien. Je suis un Monstre qui passe inaperçu, qui marche sur les trottoirs comme une âme en peine, habillé de noir et le visage caché sous des cheveux de jais.
L'Oréal, parce que je le vaux pas.
« Qu'est-ce que tu fais dans ce trou, GPDLC ? Tu t'es perdu ? T'as décidé de te bourrer la gueule avant de sauter dans le vide ? »
Ca te plairait, hein, que je finisse par m'écraser sur la voie ferrée. Connard.
Je l'ignore. J'entends quelqu'un qui se lève et sent la personne approcher –sorte de sixième sens qui s'est développé à force d'être seul.
« C'est qu'il est toujours aussi sombre, notre GPDLC » rigole alors la connasse qui a osé m'approcher et poser sa main sur mon dos.
J'ai horreur qu'on me touche et j'ai un mouvement de recul. Mais ce fut une erreur de ma part puisque ce geste brusque me fit défaut : ma chaise haute tangue et voilà que je me retrouve les quatre fers en l'air, le visage à portée des regards les plus indiscrets. Mes yeux croisent le regard surpris d'O'Leary et j'en ressens un vague sentiment d'abandon. Mon cœur est lourd, mon sang ne fait qu'un tour.
Qu'est-c'que je fous là ?
Pendant plusieurs secondes, j'étais sourd à tout ce qui m'entourait. Tout ce que j'avais face à moi était le regard étonné de cet enfoiré. Finalement, j'entends les éclats de rire partout dans la salle. Même le barman avait passé sa tête au-dessus du comptoir pour me fixer d'un air ironique.
Putain de solitude.
Je me redresse vivement, ne prends même pas la peine de payer ma consommation, et sort rapidement du bistrot. Une fois dehors, je prends une énorme inspiration à m'en donner mal au crâne. Je sens ma narine droite se boucher et j'expire par le nez avec force. Un filet de morve coule alors et j'y passe la manche de ma veste sans m'en rendre compte. Ma vue est brouillée et je mets bien cinq minutes avant de m'en rendre compte, planté devant la porte de cet Antre Maudit. Je m'affole en m'apercevant que j'étais en train de chialer comme une gonzesse et je me mets à courir au hasard, chassant les dernières images qui ont fait de moi la risée du seul bar que je fréquentais.
Quand je reprends mes esprits, mes pas m'avaient conduit sur le Pont de la Mort –surnommé ainsi car beaucoup d'ado' comme moi se sont jetés sur les rails en contrebas. Je renifle furieusement pour chasser les dernières larmes qui obstruaient ma vision et m'approche de la rambarde de sécurité. Derrière moi, la circulation de ce début de vacances était plutôt fluide et personne ne faisait attention à moi. Quelques piétons marchaient rapidement vers leur domicile pour rentrer avant la nuit. Le ciel s'assombrissait à vue d'œil mais j'ai décidé, pour une fois, d'ignorer le temps.
Je pose mes mains sur la rambarde et me penche en avant pour observer les rails. Je me demande combien de mètres il y a entre ces deux points stratégiques de Vie et de Mort. Bizarrement, à force de fixer les rails, j'ai l'impression de voir du sang de là d'où je suis. Je sais que c'est impossible, que c'est un effet d'optique et que les pluies incessantes de ces dernières semaines ont déjà effacé toute trace de suicide. Pourtant, c'est une image réaliste et fidèle qui m'attire.
Je ne bouge pas.
Je ferme les yeux.
Je sens le vent sur mon visage.
Mes cheveux sont emmêlés.
Je n'entends rien...

« JOSH ! »
...Quoique.
J'ouvre les paupières.
Pendant un instant, je ressens du vide. Le genre de vide que l'on a quand on a épuisé toutes ses forces. Le genre de vide qui nous prend et qu'on se croit alors indifférent à tout. Mon regard reste planté sur les rails de l'Enfer. Je n'ai jamais eu, jusqu'à présent, le vertige. Mais plus je regardais en bas, plus j'avais envie de sauter. C'était une force surnaturelle, exaltante et terrifiante. Je me voyais déjà m'écraser là en bas, déversant mes boyaux un peu partout. Mon sang aurait giclé tellement fort que, peut-être, j'aurai fait déraillé le prochain train à passer par là.
Quel con.
Plus aucun train ne passait par là depuis des années.
La voie ferrée était fermée et laisser à l'abandon.
« JOSH ! »
Serait-ce un tour du vent ou est-ce vraiment mon prénom que j'entends ? Mes parents sont les derniers à prononcer encore mon identité. Tout le reste du monde me surnomme GPDLC. Je n'ai aucun ami. Les voisins me détestent. Je me traite de Monstre pour me convaincre qu'ils ont tous raison. Je ne suis pas Gothique, je ne suis pas Psychopathe.
Je suis un Monstre.
Je soupire d'exaspération et tourne le dos au Vide. Je m'adosse à la rambarde et lève les yeux au ciel sombre. Les lampadaires de la route viennent de s'allumer et quelques voitures passent encore par là pour rentrer du boulot. Je n'ai jamais aimé ce monde. Je me suis toujours senti Différent. C'est ce qui a fait ma force, mais aussi ma faiblesse. Je n'aime personne, personne ne m'aime.
Je suis dégoûtant.
Je suis un Monstre.

Mes mains sont gelées, posées sur la rambarde. Je bouge un peu les doigts mais sens toujours plus le vent qui s'affole sur ma peau. Je ferai mieux de rentrer. D'oublier cette galère et de me remettre à ma philosophie « demain est un autre jour ». Même si je suis seul, je n'ai pas envie de mourir. Alors pourquoi je resterai ici ?
Je m'écarte du bord et marche sur le trottoir, la tête baissée. Je suis encore le seul con à errer à pieds.
« JOSH ! »
Cette fois, c'est bien distinct. Je m'arrête et guette encore mon prénom dans la pénombre. J'ai quitté le pont et les lampadaires les plus proches sont à quelques mètres devant moi. Pourtant, je n'ai aucun mal à voir. Je lève les yeux, regarde à droite et à gauche.
Rien.
Je fronce les sourcils.
Puis je me retourne.
« Mac ?... »
A cinq mètres à peine de moi, le Leader sportif de la classe me fixe. Son souffle est court et il créé de la fumée avec sa bouche. Nous sommes fin de l'hiver et il fait encore un peu frisquet le soir. De la sueur ruisselle le long de son visage. Même de là où je suis, je le vois. Mais le plus surprenant encore c'est sa bouche.
Ses lèvres sourient.
ME sourient.

Je ne comprends pas. Pendant un instant, j'imagine qu'il regarde quelqu'un d'autre et je jette un coup d'œil derrière moi.
Personne.
« Josh. »
Je l'entends m'appeler par mon prénom. Il s'approche de moi d'un pas fatigué sans cesser de sourire. Une fois devant moi, il me tend quelque chose.
« Tu as oublié ça. »
Mon portefeuille.
Je le lui arrache des mains et le fourre dans la poche arrière de mon jean noir. Je ne le regarde pas, lui fait simplement un signe de tête sans prononcer le moindre mot puis lui tourne le dos pour reprendre ma marche.
Pour être franc, je ne suis pas si indifférent. Physiquement, porter un masque est facile. Mais mon cœur, lui, tambourine et risque à tout moment de sortir de ma poitrine. Pourquoi ce type s'était donné la peine de courir me retrouver pour me rendre mon portefeuille ? N'aurait-il pas pu le jeter dans une poubelle, comme n'importe qui l'aurait fait à sa place ? Cela me désoriente.
J'en ai assez de réfléchir.
Et alors que j'arrive devant le portail de chez moi, je sens des frissons dans mon dos –le genre de frissons douloureux mais magiques quand quelqu'un vous passe le bout des doigts le long de la colonne. C'est bien la première fois que j'ai cette impression et je me retourne alors. A deux mètres, O'Leary est là.
Et me sourit.
« Je voulais être sûr que tu rentres bien. »
Après ma demi seconde d'étonnement, je fronce les sourcils. Et j'ose ouvrir la bouche pour la première fois depuis... trop longtemps :
« Pourquoi ? »
Ma voix est rocailleuse, sèche et sans émotion. Je l'entends et je revois cette image nette d'un corps sans vie sur les rails, les entrailles déchirées et le sang coagulant un peu partout. Mais cette vision disparaît très vite lorsque Mac O'Leary reprend la parole.
« Je voulais m'excuser mais tu ne m'en a pas laissé le temps. »
Une conversation était née avant même que je m'en aperçoive. J'ouvre mon portail, entre dans la cour et referme derrière moi. Ce portail est très petit, cela va s'en dire, puisqu'il m'arrive au bassin. J'ai déjà dit à mon père, il y a quelques années, que ça servait à rien.
« T'excuser de quoi ? De m'avoir appelé GPDLC ? De m'avoir poursuivit pour me rendre mon portefeuille ?
_ Non.
_ Je n'ai pas besoin de tes excuses.
_ Je crois que si.
_ Et qu'est-ce qui te fait croire ça ? »

Cette fois, je le fixe dans les yeux. Le portail nous sépare et je pense que c'est cette barrière qui me donne la force de l'affronter. Autrement, je lui aurai déjà tourné le dos pour rentrer. Il s'approche, lève le bras. Ses doigts tout froids me frôlent la joue avant qu'il ne fourre sa main dans la poche de son pantalon pour reprendre la discussion :
« Je m'excuse de t'avoir fait pleurer. »
Surpris, j'écarquille les yeux. Et avant même que je ne m'en rende compte, je me mets à geindre comme un gosse. Face à moi, Mac souriait toujours. Et même si le portail nous séparait, il s'approche un peu plus et passe ses bras autour de moi pour me serrer contre son cœur. Cette sensation est nouvelle, bizarre... et devient une drogue. Mon besoin d'affection se réveille et je m'accroche à lui comme à une bouée de sauvetage.
Derrière moi, la porte de la maison s'ouvre et j'entends mes parents parler entre eux.
Mac se recule un peu, efface mes larmes d'un coup de pouce et colle son front au mien. Son sourire est franc, adorable. Une fossette minuscule s'est creusée au coin de sa bouche. Pris d'un élan stupide, je touche ce creux du bout de l'index puis vint y poser un baiser. Cela ne déstabilise pas ce Sportif connu pour être le Bourreau des Cœurs.
Moi, je me sens con et je recule vivement de deux pas. Je le fixe comme si je voyais un fantôme, terrifié à l'idée d'être devenu sa prochaine victime. Mais O'Leary n'abandonne pas son tact et ose secouer le bras en l'air pour saluer mes parents –qui le lui rendent bien, d'ailleurs.
« On se reverra à la rentrée, Josh. Attends moi. »
Avant même que mon cerveau enregistre l'information, Mac s'en alla et disparut au coin de la rue.
Je me suis mis à trembler de tous mes membres et me suis effondré là, derrière le portail, les yeux exorbités et un filet de bave le long du menton. D'après mes parents, lorsqu'ils sont venus me chercher et m'aider, j'avais un sourire niais sur le visage... mais je ne les ai jamais cru.

________________________

Deux semaines plus tard.
Ma vie n'a pas changé. Je n'ai pas revu Mac depuis cette fameuse soirée et c'est tant mieux. Même maintenant, je ne suis toujours pas prêt à l'affronter, ne sachant pas à quoi m'en tenir. Aujourd'hui, le ciel est bleu, le soleil brille un peu trop à mon goût. Comme d'habitude, je suis vêtu de noir, ce qui ne m'aide pas sous les rayons de chaleur. J'entre dans la cour du lycée et me plante sous le saule. Je m'adosse au tronc et observe les alentours. Tout le monde est content de se retrouver, tout le monde sourit –même ceux qui détestent les cours. Toujours seul, je jette un regard entre les feuillages. Au-dessus de moi, un écureuil grignote une noisette trouvée certainement non loin. J'esquisse un léger sourire.
Puis repose mes yeux sur la cour et ses occupants.
Mac est arrivé, accompagné de tout son groupe.
C'est celui qu'on remarque le plus dans la bande. Il est plus grand, plus robuste... et nettement plus beau.
Je soupire.
Je ne suis qu'un Monstre, après tout.

Il cherche quelque chose, on dirait. Et je suppose que ce n'est pas moi. Pourtant, lorsque son regard se pose sur moi, il esquisse un énorme sourire et se met à marcher dans ma direction. Une fille lui attrape le bras.
« Où tu vas ?
_ Rejoindre ma Vie. »

Et il se dégage pour s'approcher toujours plus de moi. Derrière lui, tous ses copains le suivent du regard. Je suis mal à l'aise, je sens mes mains trembler et des gouttes de sueur couler le long de mon dos. Une fois devant moi, il n'attendit pas deux secondes que ses mains s'emparent alors des miennes.
J'entends les « Ooooh » et des « Hein ?! » un peu partout. Puis, plus rien. Mac vient de m'embrasser le front.
Allez savoir pourquoi, aujourd'hui j'avais décidé de laisser mes cheveux en arrière.
« Bonjour, Josh. »
Je penche la tête sur le côté comme un chien qui n'aurait rien compris et ne cesse de le fixer avec étonnement. Mac rit légèrement.
« Arrêtes de faire cette tête. »
Je me reprends un peu.
« Quelle tête veux-tu que je fasse ? J'y comprends rien. »
Il rit à nouveau, silencieusement, puis passe ses doigts dans mes cheveux pour les écarter encore plus de mon visage.
« Alors je vais éclairer ta lanterne. »
Et il se penche vers moi pour poser ses lèvres sur les miennes.

« Je suis un Monstre. »
C'est ce que je murmure dès que je retrouve l'usage de la parole.
Assis à côté de moi, sous le saule, Mac passe son bras autour de mes épaules et m'embrasse la tête avant de répliquer délicieusement, en murmurant à mon oreille :
« Tu es ma Vie. »

Samedi 24 avril 2010 à 19:28

Titre : Sale bâtard
Date de création : 17 octobre 2008
Genre : Triste - Une scène gore

_ Embrasse-moi.
_ Et puis quoi encore ?
_ Allez, un petit bisou.
_Vas chier.
Jamais nous ne nous étions embrassés. J'avais beau te le demander des centaines de milliers de fois par jour, jamais tu ne cédais. C'était à se demander si tu m'aimais vraiment. Pourtant, je n'abandonnais pas, recherchant ta chaleur toutes les secondes. Même en cours, impossible que je me détache de toi. Les potes nous regardais bizarrement et j'en avais rien à foutre. Du moment que je restais collé à toi.
Tous les matins, on se retrouvait au portail du lycée, marchant côte à côte jusqu'à notre salle de cours. Je ne pouvais pas imaginer ma vie sans toi. Dingue de penser qu'à 17 ans, on est pu rencontrer l'amour de sa vie. En tout cas, je n'étais pas prêt à te lâcher les baskets.

Aujourd'hui, il pleut. La veille, ma mère m'a fait part d'une nouvelle : un accident était survenu dans le coin, entraînant la mort de l'un des élèves de l'école. Il y en a des centaines. Je ne me suis donc posé aucune question. Arrivé devant le portail, tu n'étais pas là. Où est-ce que tu es, Marc ? J'observe, je guette. Rien. Tu ne viens pas. Alarmé, je me demande ce qui t'es arrivé pour que tu sois en retard. J'attends la sonnerie du début des cours puis, d'un pas lent, marche vers la salle. Tu n'es pas là et je n'ai aucune envie d'être là.
Le prof fait son récit habituel, nous emmerdant plus qu'autre chose avec ses racines carrées et tout le bordel. Je n'ai pas envie de me concentrer. Seul ton image se précipite dans tous les sens, m'arrachant des coups de marteau dans le crâne. J'en ai assez. Je me lève précipitamment, réveillant la plupart des potes qui somnolaient, et me dirige avec hargne vers la sortie. J'ai mal. Pourquoi tu n'es pas là ?
Marc, le plus beau mec de l'école.
Marc, le chieur de tout le monde.
Marc, le type bagarreur et sûr de lui.
Marc, tout simplement.
Je me casse du bahut. La Grand'Rue m'appelle. Premier détail : deux voitures de flics. Second détail : le contour blanc, sur le sol, d'une personne morte ici. Troisième détail : du sang. Je m'approche, inspecte, et me fait attraper par l'épaule. Un gendarme me fixe dans les yeux, sévère.
_Tu ne devrais pas être en cours, toi ?
Que répondre ? Je n'ai pas envie d'y retourner. Je suis bien là, sous la petite pluie et la fine bruine qui s'installe. Mes cheveux sont collés contre mon front, ma tête continue à me martyriser. Je veux juste savoir où tu es. Marc, tu m'as abandonné ou quoi ?! Le flic se met alors à m'interroger.
_Tu connais un certain Ronald Durois ?
Je réponds affirmativement. Ronald est un type qu'on ne pouvait pas s'encadrer, le genre de mec à lunettes totalement méprisable par son intelligence et son apparence superficielle. J'ai toujours voulu le frapper pour qu'il évite de poser ses yeux sur toi, Marc. Parce que Ronald, lui, il t'aimait aussi. Ce snob ne te méritait pas. Le gendarme reprend la parole.
_Il est mort ici, percuté par une voiture. Le conducteur, Marc Miles, est en garde à vue. Le connais-tu aussi ?
Marc, le plus beau mec de l'école.
Marc, le chieur de tout le monde.
Marc, le type bagarreur et sûr de lui.
Marc, l'assassin...
_Il était ivre au volant de sa voiture. Il fêtait certainement son obtention du permis.
Oui, tu as un an de plus que moi et tu passais ta conduite. Allais-tu me dire que tu avais eu ce putain de permis ? Quelle idée de fêter ça tout seul, hein ? T'as tué Ronald le bigleux pour te retrouver derrière des barreaux ? Un majeur ne passe pas inaperçu.
Sans vouloir en savoir plus, je suis parti. Je n'avais aucune envie d'en entendre plus sur le sujet. J'en savais déjà de trop. La pluie se fit un peu plus forte. Je suis trempée, maintenant. Je marche le long de la rue, cherchant un endroit où m'installer. Je déboule sur le parc de jeux, ce parc où on se retrouvait souvent le soir. Je m'assoie sur une balançoire, je fixe le sable mouillé du sol. Alors, on ne se reverra plus ? Cette question me trotte dans la tête. J'ai la haine contre toi. Et, pourtant, je ne t'en veux pas. Comment expliquer ce sentiment ? Un miaulement me fit tourner la tête. Un chat m'observait, à quelques mètres de là, sous un abri de bois.
J'ai la haine contre toi.
La haine contre toi.
Contre toi.
Toi.
J'approche de l'animal craintif. Il est prêt à me sauter dessus. Je le choppe par la peau du cou, rapidement, évitant ses coups de griffes. Je le fixe un instant, perturbé par mes propres pensées. Alors, je le balance, le fracasse au sol, pose mon pied dessus en l'écrasant un peu plus. Il gémit, me nargue du regard, joue des pattes pour se libérer. Ma chaussure l'écrase un peu plus, jusqu'à entendre le craquement de ses côtes. Les yeux du chat sont exorbités, il gueule et gémit en même temps. Il m'énerve. Et j'ai la haine contre toi. Je soulève mon pied, comme attiré par une force magnétique, et finit par frapper le félin avec la semelle bien à plat. Ecrasé, brutalisé, il perd la vie.
Et moi je la garde.
Enfoiré.
Connard.
Sale bâtard.
Du sang a giclé de la gueule du chat pour atterrir sur mes pompes. Ma mère va me tuer. Un dernier coup de pied dans le ventre du chat pour l'envoyer valser et je m'en vais. En fait, je déteste ce parc. Et je te hais toujours autant.
Chacun de nous a tué, maintenant. On est au même stade. Sauf que, pour un animal errant, je ne me prendrai rien. Toi, t'as joué ta propre vie. Vas chier. Je te déteste.
Et j'arrive chez moi. Par chance, mon père n'a pas fermé le garage. Je vais dedans et déniche une corde qui, normalement, servait au terrain de tennis lorsqu'on y allait. Je regarde le plafond. Un crochet, là où papa avait décidé d'attacher le punching-ball. Je trouve une chaise, me hisse dessus, et attache la corde avec force. Je fais un nœud à l'autre extrémité, passe ma tête dedans.
Je vais mourir.
Parce que tu vis.
J'écarte ma chaise sans hésitation et tombe dans le vide. La corde me lacère la gorge, me coupe la peau, et je m'étrangle doucement. Putain, ça fait mal ! Je me débats, j'essaie de retirer cette corde et de chercher la chaise en même temps. Mais elle est tombée. Pas moyen. J'essaie de hurler et ne gagne qu'à sentir mon sang couler le long de mon cou.
Enfoiré.
Connard.
Sale bâtard.
Voilà la situation dans laquelle je me trouve, à cause de toi ! Et je crève, sans t'avoir dit à quel point je te déteste. Ni même à quel point je t'aime.
L'amour n'est séparé que par une petite ligne de la haine.
Je t'aime, sale bâtard.

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | Page suivante >>

Créer un podcast