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~Antre de Riku-san~

Samedi 24 avril 2010 à 19:29

Titre : Vengeance
Date de création : 17 octobre 2008
Genre : Extrêmement gore - Interdit aux âmes sensibles

Fuir.
Je passe mon temps à fuir, surtout depuis que nous ne sommes plus ensemble. T'es franchement un bel enfoiré, hein ? Il t'a fallu moins d'une semaine pour me remplacer. Et moi, ça fait des mois que je rame en ne pensant qu'à toi. J'essaie de me graver au fer rouge que je te déteste...
J'essaie...
Mais ça ne marche pas.
T'es content ? Tu m'as bien fait souffrir. Tu as toujours voulu que je me sente coupable de tout, que je prenne les choses en main et que je souffre à ta place. Tu as réussi ton coup, c'est certain. Pendant quatre ans de relation, je n'ai pas cessé de souffrir... Tu te plaignais tout le temps, tu jouais les victimes. Dans l'histoire, je me suis retrouvé écraser et totalement à la ramasse. Ca fait quelques mois que nous ne sommes plus ensemble et, pourtant, tu ne sors pas de mon esprit. La haine et l'amour ne sont séparés que par une petite ligne. Pourtant, j'éprouve encore les deux et je m'en veux terriblement. Impossible de trouver une autre personne que toi. Je refuse catégoriquement toutes les invitations qui me tombent dessus, toutes les choses bien qui pourraient m'arriver.
Tu m'as emprisonné.
Et tu ne m'as pas relâché.

Je reste toujours le larbin de service. Tu reviens vers moi, à chaque fois. Tu crois que je vais te pardonner, que je vais faire le beau et t'accepter à nouveau près de moi. Mais dès que tu te rapproches, je m'éloigne en me répétant que ce n'est pas la première fois que tu me remplaces !
Fuir.
Je ne connais que la fuite. Je suis devenu ringard et faible depuis que tu es parti. Depuis quelques temps, tu te balades en ville en tenant la main d'une Bouffonne. Et moi, garçon sans importance, je me tire en courant. Je ne supporte pas cette vision, ce sourire que tu graves sur tes lèvres alors que t'es avec Elle.
Je te hais.
Je t'aime.
Je la hais.
C'EST MA SŒUR !

Tu n'avais pas le droit de faire ça. D'accord, je t'en voulais de partir avec les filles. Mais là, c'est ma sœur que tu te tapes. Et comme si cela ne te suffisait pas, tu passes à la maison, tu sonnes, tu entres et tu marches dans les couloirs comme si tu étais chez toi. Je t'entends quand tu t'arrêtes devant la porte fermée de ma chambre. Quand je sais que tu es là, je m'enferme et reste sur mon lit, faisant semblant de lire un bouquin.
Fuir.
Je ne peux pas t'affronter maintenant. Malgré les mois qui sont passés, que tu ai demandé que je te pardonne, je n'y arrive pas. Je te déteste du plus profond de mon être. Et je hais ma sœur pour t'accepter aussi facilement après ce que tu m'as fait. Elle m'a toujours dit qu'elle te casserait la gueule et voilà que vous sortez ensemble ! En fait, je crois qu'elle attendait simplement qu'on casse pour qu'elle use de son charme devant toi. Je la vois se pouponner tout le temps dans la salle de bain en train de chanter des tubes de Lorie, tout aussi Conne qu'elle.
Je voudrais vous tuer.
Vous voir crever en m'implorant.
Je vous laisserai agoniser sans rien faire.
Je vous hais.
Je t'aime.
Fuir.

Nous sommes vendredi, début du week-end, et tu es là, à la maison. J'entends ma sœur rire alors que je suis cloîtré dans ma chambre sans oser sortir. Vous êtes encore en train de vous taper un trip sur Tekken 5. Je suis assis sur mon lit, ta photo entre les mains. Tu te souviens de cette photo ? T'es rentré dans le photomaton en pensant que j'allais te suivre et, pour le coup, t'as fait une grimace exemplaire. Nous en avons bien rit, ce jour là...
Ca y est, le rire de l'autre Connasse se transforme en gémissements. Je jette ta photo à travers ma chambre et bouche mes oreilles de mes mains, retenant à grand peine des larmes de haine et de souffrance. C'est toujours le même refrain. Pourquoi, d'un coup, j'ai des fourmillements dans les doigts ? Je retire mes mains des oreilles pour les regarder et écoute. Vous êtes bien occupés. Comme un automate, je me lève, vais ouvrir ma porte et sors direction la cuisine. Je vous vois dans le salon. Les parents sont pas là, elle en profite la grognasse. Tu es sur elle, tu t'enfonces en elle comme un malade, comme tu le faisais avec moi parce que j'adorais ça. Tu lui pelotes les seins. C'est ce qu'il te manquait ? Une paire de nichons ? Désolé, je suis un mec, c'est con.
Je vais chercher l'un des gros couteaux de cuisine de maman. Le plus affûté, quand même. Et je reviens vers vous. Toujours dans vos petites affaires, vous ne m'entendez même pas. Sans compter que ma putain de sœur a fermé les volets du salon en plein après-midi. J'ai failli me prendre l'une de tes godasses. C'est ton cul que j'ai en face de moi. Tu continus à pénétrer le trou de ma frangine et moi, je suis totalement indifférent. Jusqu'à maintenant, il n'y avait que haine, souffrance et amour à sens unique.
Vengeance.
Je regarde la lame du couteau un instant, esquisse un sourire sans émotion, et te le plante entre les fesses avec hargne. Tu cris, tu saignes. Tu hurles à t'en décrocher les amygdales. C'est la douleur que tu m'as infligée en me baisant comme un fou ! Tu essaies de te lever, tu tombes par terre et me fixe, désemparé. C'est bon de te voir comme ça. Ma sœur hurle à son tour et je lui jette un œil, pour qu'elle arrête. Aussitôt, elle prend un coussin et se le met sur le visage. J'ai aussi envie de lui faire mal. Aussi, je m'approche d'elle et plonge le couteau là où, deux minutes avant, tu avais ta queue. Je retire puis rentre à nouveau la lame à cet endroit précis alors qu'elle hurle. Ca fait un bien fou. Mais ce n'est pas avec elle que j'ai le plus envie de jouer. Tu es par terre, en train de saigner du cul, à me fixer comme si j'étais un fantôme. Je me verrai plutôt en faucheuse, sur le moment. Je m'accroupis en écartant tes jambes. Tu as un mouvement de recul mais, courageux comme tu es, tu ne dis rien. Alors je saisi ton sexe pour le couper lentement. Tu pleures, tu gémis, tu te mords les lèvres pour éviter la crise. Tu aimerai appeler à l'aide mais tu es trop fier, connard. J'arrache le reste de tendons qui restent accrochés entre ton corps et ta queue, la lèche une seconde puis l'envoie voler. Tu tombes dans l'inconscience... Mais tu sembles comprendre. Ta main s'avance vers moi, je recule.
Fuir.
Tes doigts caressent ma joue, mes lèvres ensanglantées, puis tombent mollement sur le sol. Tu t'es évanoui dans la fierté, fils de pute.
Et je t'aime toujours autant !
Tu joues les gentils, t'as toujours été tendre derrière tes plaintes.
Et tu t'évanoui dans l'honneur !
Et je me tue dans l'horreur...
La lame se plante dans ma gorge, je la coupe d'une traite rapidement, un simple passage et mon sang gicle.
Le couteau tombe, atterrit sur un bain de sang.
Je tombe, atterrit sur Toi...

Mercredi 23 juin 2010 à 10:04

Résultat du concours : 2ème place (ICI)

~ I see you
 
« Votre attention s’il vous plait. Embarquement immédiat pour la France. Veuillez… »
(Est-ce que je fuis quelque chose ? Je ne sais pas…)
Joshua s’installa sur le siège qui lui était assigné. Lui qui pensait se retrouver à côté de la fenêtre, il en était séparé par une dame d’une cinquantaine d’années et par un siège vide. A sa gauche, juste après l’autre place vide, l’allée centrale grouillait de monde. Tous embarquaient dans cet avion pour rejoindre la France –famille, amis, boulot…
(On m’a dit de rédiger un rapport. Mais que mettre ?)
Joshua repoussa les cheveux noirs qui lui entravaient la vue et jeta un coup d’œil vers l’avant de l’appareil. Une vingtaine d’hommes, distingués et indifférents, s’asseyaient à leur place respective. Il se pencha pour regarder à l’arrière, là où le reste des passagers s’installait. Son regard croisa celui d’un gamin qui portait une sorte de masque à oxygène. Ce dernier lui fit un petit signe de la main.
Joshua se redressa sur son siège et tourna la tête vers le hublot.
(Quand un choix difficile s’offre à vous, pensez-vous vous en sortir vivant ?)
10 :30 am. L’avion décolla à l’heure prévue. Coincé par sa ceinture de sécurité, Joshua observa d’un côté puis de l’autre. Il n’était pas tranquille mais personne ne faisait attention à lui. Son col de chemise lui parut un peu trop serré et il approcha une main tremblante du premier bouton. Une demi-heure plus tard, une hôtesse de l’air passa dans l’allée principale avec un chariot, sourire crispé aux lèvres, proposant diverses boissons, dont de l’alcool. Joshua ne résista pas à l’appel d’un bon verre de vin.
(J’ai fait ce choix standard dans un but imprécis. L’alcool aurait pu embrumer la réalité mais cela n’a pas marché. J’ai une peur bleue des avions et là, l’angoisse palpite dans mon estomac.)
Dans un vol de première classe, il n’aurait pas hésité à prendre un verre de Whisky ou un verre de Scotch. Mais il ne fallait pas se faire trop d’illusions dans un vol de seconde zone.
La blondinette habillée de son uniforme continua à distribuer ses boissons au reste des passagers. Joshua avala deux bonnes gorgées de vin et, même s’il était dégueulasse, il soupira d’aise en fermant les yeux.
(Quand on a perdu jusqu’à sa propre raison d’exister, que nous reste t-il ?)
Quelqu’un s’installa à côté de lui. Joshua ouvrit les yeux et, l’arrière du crâne collé au siège, tourna légèrement son visage vers l’inconnu. Il s’agissait d’un jeune homme qui avait certainement dépassé depuis peu la vingtaine. Il souriait innocemment en le fixant et Joshua, intrigué, décolla sa tête de son siège et regarda ce gringalet plus en détails.
« Désolé de vous déranger, monsieur. C’est mon frère qui voulait que je vous parle. »
(Un homme qui va sur sa trentaine a-t-il le droit de ressentir un profond désir pour une personne de presque dix ans son cadet ?)
Joshua se racla la gorge et posa son regard sur un collier insolite qui entourait le cou du garçon ; un collier de chien.
L’inconnu pencha la tête sur le côté sans cesser de sourire et lui tendit la main en indiquant simplement :
« Je m’appelle Frédéric. Mon frère, c’est Jake. »
Pris au dépourvu, Joshua serra la main du jeune Frédéric et prit naturellement la parole :
« Joshua, pour moi. Qui est ton frère ? »
(Je n’ai pas eu de conversation solide depuis des années. J’ai perdu toute sociabilité et, à part l’équipe pour laquelle je bosse, vous, plus personne ne m’adresse la parole.)
« Vous l’avez vu à l’embarquement. Il m’a dit qu’il vous avait fait des signes mais que vous l’avez ignoré.
_ … Le gosse avec le masque. »
Frédéric émit un rire nerveux.
« Oui. C’est en fait un masque qui filtre l’air. Vous voyez ? Jake est atteint de leucémie et… on va en France pour un don d’organe.
_ Cela n’aurait-il pas été plus judicieux de le transporter dans un avion médical spécialisé ? »
(Je me suis intéressé à ce gamin et à son frère. L’histoire était bouleversante et cela m’a rappelé la raison de ma présence ici.)
« Disons que… les médecins n’ont plus aucun espoir. Mais mon petit frère est un battant et on ne voulait pas, mes parents et moi, le laisser à l’hôpital sans rien faire. Vous savez, les médecins pensent que nous sommes tranquillement chez nous à profiter un maximum de la présence de Jake. »
Frédéric se gratta l’arête du nez de son index, offrant un léger rire angélique aux oreilles de Joshua. Ce dernier remarqua la présence d’une fossette au coin des lèvres de son voisin.
(Je me suis marié à dix-huit ans avec une femme vraiment très douce. Mon caractère lunatique a fini par la faire fuir et nous avons divorcé il y a maintenant deux ans. Elle a embarqué notre gosse. Une part de moi a été brisée. Face à Frédéric, pourtant, j’avais l’impression de reprendre une bonne bouffée d’oxygène, comme si j’avais frôlé la noyade.)
Encore une fois, Joshua se racla la gorge avant de reprendre la parole :
« Et donc ? Pourquoi ton frère voulait que tu me parles ? »
Frédéric fixa ses prunelles vertes dans les yeux noirs de son interlocuteur, sérieux mais toujours souriant :
« Il dit que vous êtes quelqu’un de bien. »
(Si j’avais eu un flingue à ma portée, j’aurai rapidement visé ma tempe…)
Joshua renifla et tourna la tête vers le hublot. A un siège de là, la dame d’une cinquantaine d’années avait enfilé les lunettes en mousse et s’était endormie, la bouche ouverte.
« Elle va pas tarder à ronfler, celle la. »
Frédéric avait prononcé cette réplique sarcastique en se penchant un peu sur Joshua. Il avait d’ailleurs posé ses mains sur la cuisse de ce dernier pour ne pas perdre l’équilibre.
Joshua en sursauta légèrement et fixa la tignasse pleine de gel de Frédéric.
(J’ai beaucoup d’expérience dans le domaine de la drague, des attouchements et du sexe en général. J’ai trompé ma femme, mon ex-femme, plus d’une fois avec des femmes et des hommes. Et Frédéric n’était pas aussi innocent que je le pensais…)
Frédéric leva les yeux et sourit mystérieusement.
(… et je savais que je ne pourrais pas résister.)
Le jeune homme se leva subitement, décrocha la ceinture de sécurité de Joshua et s’empara de la main de celui-ci pour l’entraîner à sa suite. L’un derrière l’autre, ils passèrent devant Jake et son masque de purification d’air.
(Ce gosse doit avoir huit ans, tout au plus. Mais son regard, je le jure, m’a parut adulte à ce moment précis. Comme s’il comprenait ce qu’on s’apprêtait à faire.)
Frédéric ouvrit la porte des toilettes de l’avion, poussa Joshua à l’intérieur et entra à son tour. Une fois la serrure verrouillée, le garçon fit face à son vis-à-vis. La pièce était petite ; la cuvette des chiottes contre un mur, le lavabo de l’autre.
La respiration de Joshua s’accéléra et il se passa nerveusement une main derrière la nuque. Une goutte de sueur perla le long de sa tempe alors que ses yeux croisèrent ceux de Frédéric. Le silence s’allongeait, encore et toujours –s’éternisait.
Enfin, Joshua s’éclaircit la gorge avant de murmurer avec une certaine indignation :
« Je peux savoir ce que tu me veux, le mioche ? »
Un petit rire sarcastique traversa les lèvres de Frédéric.
« Allez, ne me prenez pas pour un con. Vous avez envie de moi, non ? »
(L’invitation de ce gamin avait été tentante mais je me suis accroché au peu de raison qu’il me restait. Je ne suis pas dans cet avion pour rien et il ne doit en aucun cas s’interposer.)
« Tu es trop jeune pour attirer mon attention. »
Frédéric fronça les sourcils, plissa le nez. Il semblait frustré et son air buté s’intensifia alors qu’il vint coller son torse à celui de Joshua. Avec une certaine grâce, il se frotta sensuellement contre son vis-à-vis sans jamais cesser de le fixer dans les yeux, taquin.
Encore assez rationnel, Joshua changea de sujet de conversation et approcha ses doigts du collier de chien qui entourait le cou du jeune homme.
« Pourquoi portes-tu ceci ? »
Aussitôt, Frédéric se braqua et recula pour coller son dos à la porte close. Il paraissait apeuré et agressif à la fois :
« Personne n’y touche sans ma permission ! »
Joshua leva les mains, paumes vers l’extérieur, en signe de soumission :
« D’accord, d’accord. Mais racontes moi pourquoi tu le portes. »
Sur le qui-vive, Frédéric guetta la moindre parcelle d’émotion sur le visage de son aîné mais ne décela rien d’autre qu’un profond questionnement, loin des moqueries dont il avait été l’objet chez lui. Il poussa un soupir désespéré et toucha son collier du bout des doigts.
« C’est à ma chienne. On l’a faite piquer le jour d’Halloween, l’an dernier. »
(Frédéric sent la tristesse. Il pue la mort ! Sa peine est tellement grande que je la ressens, qu’elle s’immisce dans tous mes pores !)
« Elle comptait beaucoup pour toi. »
Joshua affirmait ce qu’il sentait. Aucune question n’avait sa place dans cette solennelle conversation.
« Lady, c’était ma vie. Ma seconde mère. Mon pilier et mon unique raison d’exister… »
(… Il avait dit ces mots d’une traite, sans hésitation aucune.)
« … C’était une Dame parmi les chiens. »
Frédéric montrait une nouvelle facette de lui. Derrière ses sourires tantôt innocents, tantôt ironiques se cachait son mal. Joshua se sentit coupable d’avoir remué le couteau dans la plaie du jeune garçon, surtout lorsqu’il vit les larmes dans les yeux de son cadet. Il vint donc lui poser une main réconfortante sur la joue et osa prononcer quelques mots :
« Je n’ai jamais eu de chien de ma vie. Mais je peux imaginer la peine qui t’habite, cette profonde douleur qui t’enserre les entrailles… »
(Je pense à mon gosse.)
« … Peut-être même ressens-tu une envie puissante de vomir car tu te crois coupable. »
Frédéric renifla au moment où une larme roula le long de sa peau très légèrement rosie par l’émotion. Quelque part en lui, il ressentit soudain quelque chose se reformer ; le vide qui faisait son être depuis des mois se refermait.
Joshua reprit la parole, posément –un léger murmure dans cette petite pièce :
« Tu fais ton deuil à ta manière et je suppose que beaucoup de gens t’ont mal jugé. Mais, tu sais, comment dois-je faire si je veux t’embrasser le cou alors que je n’ai pas le droit de toucher à ton collier ? »
Frédéric renifla une nouvelle fois et alors qu’un flot de larmes jaillit de ses yeux, il ferma les paupières, leva la tête en tendant le cou et baissa le collier de Lady d’une main. A cette offrande, Joshua sourit légèrement et posa ses lèvres sur la jugulaire du jeune homme.
 
Jake sentit sa vue se troubler et ferma les yeux un instant. Un grondement sourd s’éleva de ses intestins et il se posa une main sur l’estomac. Il tourna la tête vers son père –ce dernier lisait le journal- puis observa sa mère : celle-ci semblait angoisser ; elle se mordait l’intérieur de la bouche sans s’arrêter. A la vue des tourments de sa mère, Jake détourna les yeux et soupira bruyamment.
(Quand on est atteint d’une maladie aussi mortelle, que désire t-on le plus ? Je lui ai posé la question durant la nuit et il n’a pas hésité à me répondre « je veux redevenir un bébé ».)
 
1 :03 am. Joshua se massa légèrement la nuque avant de regarder Frédéric qui dormait à ses côtés. Il repensa alors à cette proximité qu’ils avaient eu dans les toilettes –endroit peu romantique, pourtant- et à cette fusion invisible qui les avait unis. Non, ils n’avaient pas fait l’amour. Joshua avait catégoriquement refusé et lui seul savait pourquoi. Non, ils s’étaient embrassés avec tendresse, mélangeant leurs baisers aux larmes de Frédéric.
(Ce gars a ravivé une flamme d’espoir en moi mais il est déjà trop tard pour faire demi-tour.)
Joshua caressa doucement la joue de son cadet endormi. Ce dernier gémit légèrement et sourit dans son sommeil.
(Frédéric est l’innocence même. Qui ne serait pas tombé sous son charme ? Hors, moi je ne le mérite absolument pas. Pourtant, j’ai découvert à mes dépends que le coup de foudre existe.)
Joshua poussa un soupir tourmenté, posa son journal de bord sur le siège vide de sa droite puis se leva en essayant de ne pas réveiller Frédéric lorsqu’il passa avec difficultés au-dessus de ses jambes.
Dans l’allée centrale, Joshua resta un instant sur place à contempler l’image d’un Frédéric serein et posé. Puis il avança en direction des chiottes. Il croisa le regard de Jake… et arrêta sa marche à côté de l’enfant. Jake lui prit alors la main et sourit sous son masque :
« Il est bien, mon grand frère, hein ? »
Un léger murmure mais une énorme intonation d’espoir.
Joshua serra cette main frêle entre ses doigts et s’accroupit à côté du siège de Jake pour prendre un ton de confidence :
« Oui, il est très bien. Mais je ne le mérite pas. »
(Cette phrase m’apparut bien paradoxale ; c’est le genre de niaiserie qu’on sort quand on a fait une connerie et qu’on ne l’assume pas.)
Jake toussa un peu et ne dit rien. Joshua n’avait plus envie de pisser.
1 :14 am. Il retourna à sa place et reprit son journal de bord.
(On m’a dit de rédiger un rapport et je sais désormais quoi y mettre.)
Alors que Joshua griffonnait hargneusement sur les pages de son carnet, Frédéric ouvrit les yeux et osa lire quelques lignes dans l’ignorance de son aîné.
(Des innocents se trouvent à bord ; Frédéric et Jake par exemple. Je mérite d’aller en Enfer et même si je ne crois pas en toi, saloperie de Dieu, balances moi dans les Flammes dès que j’aurai accompli ma mission.)
Joshua tritura nerveusement la poche intérieure de sa chemise et remarqua alors que son voisin était réveillé. Frédéric commençait à paniquer…
« Qu’est-ce que tu écris ? C’est quoi ce truc ? »
Joshua posa rapidement sa main sur la bouche de son vis-à-vis alors que certains passagers émirent en cœur des « chut » mécontents. De son autre main, il rajouta quelque chose dans son journal de bord.
(Je suis tombé amoureux aussi rapidement qu’un jouvenceau. Je suis tombé amoureux de toi, Frédéric.)
Le jeune homme écarquilla les yeux en lisant ces mots et repoussa la main de son aîné pour se pencher et s’emparer du stylo. A son tour, il écrivit à la suite de Joshua.
(Et je suis tombé amoureux de toi, gros bêta.)
Frédéric rit silencieusement en remuant les épaules. Joshua, lui, était sérieux. Il referma son carnet et l’introduisit dans une pochette étanche qu’il cacha dans la poche du siège de devant. Puis il prit la main de son cadet pour l’emmener, non pas aux toilettes, mais dans une salle interdite au public, à l’arrière de l’appareil.
« Qu’est-ce que tu fais, Josh’ ? S’écria Frédéric en se débattant.
_ J’essaie de préserver ta vie. »
Il poussa Frédéric dans cette fameuse soute, le regarda tristement. Il approcha alors son index du collier de Lady et déclara avec mélancolie :
« Si je la croise, je lui dirai bonjour pour toi. »
Puis il rajouta :
« Vis, s’il te plait. »
Frédéric resta bouche bée, inerte, fixant Joshua comme s’il voyait un fantôme. Le silence survint alors entre eux et Joshua finit par sortir une petite télécommande de sa poche intérieure ; un seul bouton trônait sur ce carré en plastique, rouge et menaçant.
Mon secret.
Mon job
Le choix que j’ai fait.
Avant de te connaître.
Puis Joshua ouvrit entièrement sa chemise et dévoila une large ceinture grise autour de sa taille. Elle ne devait faire que quelques millimètres d’épaisseur mais les petits renflements qu’on y voyait à l’intérieur étaient caractéristiques : Frédéric recula avec horreur.
« Vis, s’il te plait. » Répéta Joshua doucement avant de claquer la porte et de la barricader de l’extérieur. Frédéric mit un certain temps avant d’assimiler la réalité puis avança dans le noir pour tambouriner la porte.
« Josh’ ! Josh’, ouvres moi ! Ne fais pas ça ! »
Pardon, Frédéric.
Joshua serra les dents et tourna le dos pour revenir vers l’avant de l’avion. Jake se redressa, manquant de tomber sous son propre poids, et fixa Joshua avec crainte. Joshua se voulait imperturbable mais osa esquisser un ridicule sourire pour l’enfant.
« Tu es… un Ange Noir ? »
Apeuré, Jake sortit la première description qui lui était venue à l’esprit et, sous cette innocence revêche, Joshua eut un mouvement de recul.
« Tu vas abréger mes souffrances ? M’emporter avec toi ? »
Joshua avala difficilement sa salive et sentit une douleur dans sa gorge. Jake marcha maladroitement jusqu’à lui.
Il comprend qui je suis mais avec ses propres mots !
De nombreux mouvements alertèrent Joshua qui, alors, remarqua la vingtaine d’hommes en costard qui pointaient les armes sur lui.
« Ne bouges surtout pas, Kamikaze ! »
Joshua tenait toujours la petite télécommande d’une main. Il fronça les sourcils et poussa Jake sur le côté.
J’ai perdu. Je ne suis plus assez fort pour mener à bien ma mission.
Une sonnerie de téléphone portable retentit alors et Joshua s’empara de son cellulaire dans la poche de son pantalon large. Il décrocha.
Une hôtesse de l’air apparut, tel était son boulot, pour voir ce qu’il se passait. Elle poussa un cri aigu face aux armes que les militaires en civil pointaient et s’adressa, tremblante, à Joshua :
« Les portables sont interdits à bord de l’app…
_ La ferme ! »
Joshua balança son téléphone en plein contre le visage de la jeune femme, enragé, pour qu’elle se taise. Tous les passagers, après avoir retenu leur souffle, commencèrent à remuer, à remplir l’atmosphère d’un brouhaha incessant. Tous avaient peur et la tension entre les hommes armés et le Kamikaze était palpable.
Un gamin m’a redonné un espoir.
Joshua montra la télécommande aux types qui lui faisaient face et la laissa tomber au sol. S’attendant à un subterfuge, les détonations fusèrent d’un seul coup et les balles atteignirent Joshua un peu partout, aspergeant de sang ce qui l’entourait, y compris Jake.
Trop tard.
 
 
L’aéroport perdit tout contact avec l’avion à 1 :23 am précisément. Les débris de l’appareil jonchaient la surface de l’Atlantique et moult recherches ont été amorcées vers six heures du matin, à l’heure de Paris, pour connaître les raisons de ce drame.
« D’après notre envoyé spécial qui se trouve actuellement sur place, les secours auraient déjà retrouvé un survivant. M’entendez-vous, Daniel ? »
La communication était difficile au milieu de cette gigantesque étendue d’eau. Il fallut quelques secondes au fameux               Daniel pour entendre la voix de la présentatrice des informations, puis il répondit en énonçant son discours improvisé :
« Je vous reçois, Agnès. En effet, je me trouve actuellement en plein milieu de l’océan Atlantique où les sauveteurs ont pris en charge le seul survivant qu’ils ont retrouvé. Il s’agit d’un jeune homme d’une vingtaine d’années dont on ignore encore l’identité. Le seul détail que nous ayons pour le moment est que ce jeune garçon possède un collier de chien autour du cou. D’après les médecins, ses jours ne sont pas en danger. Il a été trouvé dans les débris qui formaient l’arrière de l’appareil, protégé par de la taule lors de l’explosion qui a provoqué l’accident. »
 
 
 
Frédéric se réveilla quelques jours plus tard dans sa chambre d’hôpital. Il était seul et sentait sa jambe plâtrée se tendre douloureusement. Son visage était parsemé de quelques blessures tout à fait bénignes mais il reconnaissait cependant le goût du sang au coin de sa bouche. En y passant la langue, il comprit alors que quelque chose l’avait coupé à cet endroit.
Ses yeux le piquèrent suite à la fatigue dont il faisait l’objet mais il se battit pour ne pas se rendormir. Il tourna la tête vers la fenêtre et remarqua alors un carnet sur sa table de chevet. Sur ce cahier était posé le collier de Lady.
Doucement, Frédéric se redressa sur son lit. Une fois correctement assis, il prit délicatement les deux objets, passa le collier de Lady autour de son cou et caressa pensivement la couverture kaki du petit ouvrage. Bien que ses doigts se mirent à trembler, il prit l’initiative de l’ouvrir.
La première page indiquait simplement « Journal de bord de l’officier Stanley Joshua. »
Joshua…
Il feuilleta quelques pages, imprimant certains mots dans son esprit comme « solitude », « mort » ou encore « amertume ».
Tu étais si seul, Josh’…
Puis il atteignit la dernière page manuscrite, à environ la moitié du carnet.
«[…] Je suis tombé amoureux de toi, Frédéric. »
Le jeune homme sentit d’un seul coup un lourd poids s’abattre sur ses épaules et se mit à pleurer. Et alors que ses larmes s’écrasaient sur l’écriture de Joshua, il lut à voix haute sa propre phrase, ses propres mots, écrits juste en dessous :
« Et je suis tombé amoureux de toi, gros bêta. »
Dans un geste purement désespéré, Frédéric s’empara du seul stylo bille se trouvant sur la table de chevet et termina de lui-même le journal de bord de Joshua en écrivant, en bas à droite de la page :
« A la mémoire de mon aimé, désormais libre quelque part dans l’océan Atlantique. »
 
 
A la mémoire de Lady,
Cette Dame parmi les chiens.
 
 
http://0-under-my-skin-0.cowblog.fr/images/JoshLady.jpg
Joshua et Lady

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