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~Antre de Riku-san~

Samedi 24 avril 2010 à 19:19

Titre : Solitude
Date de création : 5 avril 2009
Genre : Triste - Relation homosexuelle entre hommes

La pluie tombe et m'arrose le visage. Le béton froid me donne des frissons. Je suis allongé là, sur le dos, laissant un filet de sang courir le long de mon menton. Quelques gouttes d'eau me tombent dans les yeux mais je tiens absolument à regarder ce ciel grisâtre qui démontre le chaos de mon propre esprit. J'ai mal au cou, là où une lame m'a tranché quelques minutes plus tôt. J'ai du mal à respirer. En même temps, je n'ai pas envie d'inspirer l'air pollué de cette ville merdique, ni cette odeur de sang qui coagule sur moi. Quelques points noirs envahissent ma vue, je sens ma tête qui tourne.

Vous vous demandez ce qui a bien pu se passer ? J'vais vous le raconter. Je dois me remémorer tout ça, pour ne pas oublier.

J'ai rencontré Denis dans un bar. La trentaine tapante, les cheveux colorés d'une teinture brune et une carrure d'athlète par excellence, il m'a tapé dans l'œil dès qu'il a franchi la porte. Quelques mèches tombaient devant son regard ténébreux, sa veste en cuir ruisselait de flotte. Nous n'avions pas cherché à nous parler. Les gestes suffisaient. Je me suis approché de lui, j'ai passé mes doigts sur sa nuque et nous nous sommes retrouvés dans les chiottes pour se taper une partie de jambes en l'air. C'était... exaltant.
On se voyait tous les jours. Je revenais tout le temps à la même heure dans ce bistrot merdeux pour être sûr de le croiser. La même rengaine à chaque fois : quelques gestes, quelques regards brillants et en avant pour la baise. Il était mon meilleur coup. J'ai appris son nom grâce à la carte de visite qu'il m'avait laissé un jour. Il bossait dans la publicité... Un mec riche et arrogant.
Le manège dura deux bons mois avant que je ne comprenne ses intentions. Par hasard, encore un jour de pluie, je l'ai croisé dans le Boulevard. Accompagné de types en noir, Denis semblait imposant et sûr. Derrière ses lunettes noires, il observait le coin comme un aigle aux aguets. Bizarrement, j'ai eu peur de lui. Bien sûr, il remarqua très vite ma présence –j'étais le seul petit con à côté d'un lampadaire taggé. Ses compagnons ont sorti des armes à feu et je me suis enfui comme un lièvre, entendant la course poursuite derrière moi et des balles siffler à mes oreilles.
En fait, je n'avais pas peur.
J'étais effrayé.
Après avoir couru pendant une quinzaine de minutes, je me suis arrêté au supermarché de la Grand'Rue. Dans un lieu public, je savais que personne n'oserait me planter. Au rayon surgelé, je me suis appuyé à une étagère congelée pour reprendre mon souffle. Je tremblais comme une feuille, je me sentais mal, je défaillais. Les gens me regardaient suspicieusement. Petit pisseux de quinze ans, pâle et en sueur, qui attirait l'attention des plus curieux. Une grosse dose de solitude me tomba alors sur les épaules ; je me rendais compte à quel point les êtres humains étaient égoïstes, jaugeant les plus faibles sans chercher à comprendre ce qu'ils avaient. Une main sur le front, j'ai fini par ressortir de cet endroit bondé de monde. L'heure de pointe.
C'est dans un tournant qu'on m'attrapa avec brutalité et qu'un couteau coupa ma peau au niveau de la gorge. Laissé là, au milieu de la chaussée déformée, allongé comme un macchabée, je me retrouve donc à fixer ce ciel pourri qui ne cessait de hanter mes souvenirs. Le sang mélangé à l'eau dégoulinait encore. J'étais sûr et certain d'y rester. Quelques cris me parvinrent –une bonne femme terrorisée qui s'est barrée en courant.
Connasse.
Appelles l'ambulance.
J'essaie de lever la main vers ce dos qui m'échappe, j'essaie de parler mais je sens un nouveau flot de liquide épais couler le long de mon cou nu. Plus aucune douleur, plus aucune sensation. Puis je ne sens plus les gouttes de pluie. Un visage est là, au-dessus de moi. Accroupi à côté de moi, Denis me fixe indifféremment derrière sa paire de lunettes de soleil.
J'ai peur.
Il m'embrasse alors sur les lèvres –un petit smack merdique et mouillé. Je le vois mettre des gants en plastique avant qu'il ne s'arrache un morceau de tee-shirt et le passe autour de mon cou. Silencieusement, il éponge mon sang. Devrais-je le remercier ? Je n'en ai pas le temps. Il se relève et disparaît... J'entends les sirènes des ambulances. Quelques personnes s'attroupent autour de moi, je ferme les yeux et me laisse aller sur le brancard.
Faible...

J'ouvre les yeux dans une chambre d'hôpital. Une infirmière blonde se ballade dans la pièce, essayant de ne pas faire de bruit mais me défonçant les oreilles avec ses rangements de flacons. Je tourne la tête mais ressens une vive douleur. Je tente de cacher un gémissement mais la blondasse s'approche de moi en souriant tragiquement.

_ Vous n'avez pas le droit de tourner la tête, monsieur.

Depuis quand on me donne des ordres ? Toute aussi conne que l'autre qui s'est barrée en courant.
Les jours passèrent, les semaines, et les médecins étaient formels eux aussi : je ne serai plus capable de tourner la tête sans ouvrir la cicatrice. J'ai fini par sortir et me voilà en train de marcher en direction de la boulangerie. Ma mère m'a collé un vieux type de cinquante-six ans comme garde du corps, pour éviter un nouveau drame. Comme si ce papi allait me défendre avec ses muscles flasques et ses mains ridées. Arrivé à destination, j'entre dans le petit magasin et m'approche des baguettes de pain. Le journal régional attire mon attention et je vois la photo de Denis en première page. Laissant tomber ma course, je prends le quotidien et lit l'article.

Fredericks Denis, retrouvé mort.
Depuis plusieurs années, la police suivait les traces de cet escroc allié à la Mafia. Chef d'un gang, Denis Fredericks était jugé dangereux par les autorités. Travaillant dans une agence de publicité depuis dix ans, il était loin d'attirer l'attention de ses employés. Deux vies, deux hommes. C'est dans un endroit reculé de la ville, si longuement inspecté par les autorités, que le corps de Denis Fredericks a été retrouvé le 18 juin, la tempe percée d'une balle. L'arme lui appartenait et tout porte à croire qu'il s'est bel et bien suicidé.

Une larme roule le long de ma joue. Je le remarque au bout de quelques secondes. Mon soi-disant garde du corps attrape mon bras et me conduit hors de la boulangerie après avoir vivement retiré le journal de mes mains. Je me rends compte à quel point j'ai été con. Denis avait cherché à me soigner, à m'aider en attendant les secours. Pendant deux mois il a dû être taraudé de questions à mon sujet et moi, comme un petit merdeux, j'avais peur de lui. Finalement, il s'est donné la mort dans une profonde solitude, dans un endroit reculé et sombre.
Seul.
Je me sens seul.
Et je sens aussi qu'il l'était.

Samedi 24 avril 2010 à 19:20

Titre : Armée
Date de création : 5 avril 2009
Genre : Légion étrangère - Fiction (réalité ?) - Psychologique
Note personnelle : Je tiens à préciser que je n'ai rien contre l'Armée. Mon père fait parti de l'armée de Terre et il ne me viendrait pas à l'idée d'en insulter les soldats. Cependant, je garde un point de vue essentiel : certaines guerres ne sont pas les nôtres.

 

Nous partons au combat, nous chevaliers des temps modernes. Militaires de carrière, nous marchons dans les broussailles, Famas à la main, prêt à tirer sur les ennemis. Nous sommes dans une vraie jungle, nos adversaires sont aussi bien hommes qu'animaux. Le Capitaine se retourne, me dévisage, me souris légèrement. J'ai à peine vingt-trois ans et on m'a envoyé dans cette patrie pour servir mon pays. Finalement, je n'ai pas beaucoup appris de l'armée de terre. Tout ce que je sais, en ce moment même, c'est que nous risquons tous notre vie. Le Capitaine est le seul homme de notre troupe à partager un passé commun avec moi ; c'est mon frère aîné. Toujours un exemple pour moi, je l'ai suivi sur les traces de la légion dès mon obtention du diplôme universitaire où j'étais. Dans ma tête, je n'avais vu que treillis et armes jusqu'au jour où je suis entrée dans l'armée. De bons souvenirs.
La tension était palpable. Tous les hommes étaient en sueur, y compris moi. La seule femme parmi nous restait étrangement calme et assurée. Parfois, je lui jetais quelques coups d'œil, impressionné par son tempérament de feu. Bien que nous sachons où nous allons, nous n'arrivons pas encore à calculer ce qui nous attendait. Des frissons me parcourent le dos dès qu'une goutte de sueur passe, mes mains sont moites, mes rétines me brûlent tellement j'angoisse sur ce terrain qui nous entoure et nous est étranger.
Le Capitaine s'arrête alors, fait un signe de la main, m'ordonne de rester sur place avec deux autres compagnons pour garder les arrières. J'ai toujours admiré le commandement de mon frère. Si on réussit cette mission, il montera certainement en grade. Le Colonel l'apprécie beaucoup, à ce que j'ai remarqué à la caserne.
Trois au même endroit, nous avançons à reculons en gardant le Famas bien en main. Ca transpire l'embuscade... Serait-ce une impression ? Une simple rêverie de ma part ? Qu'est-ce que j'aimerai être en France, chez moi, dans mon lit. Ma femme me manque, mon fils aussi. J'avais été si fier d'entrer dans la légion et maintenant, j'ai peur. Je suis effrayé à l'idée que la mort pourrait me prendre dans la seconde qui suit. Est-ce que mes compagnons ressentent la même chose ? Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de voir leur visage.
Concentré sur les sons que l'on entendait, je me crispe soudain en entendant des coups de feu. A côté de moi, de légers gémissements avant que les soldats de ma patrie ne tombent. Apeuré, je me lance directement derrière un arbre et colle mon dos au tronc. Le Famas plaqué contre le torse, je respire lourdement. Quelle galère ! Qu'est-ce que je suis censé faire ? Me jeter dans la gueule du loup et attaquer ? M'enfuir comme un lièvre ? Si je partais, mon frère m'en voudrait... Je prends une profonde inspiration et décide de montrer le bout de mon nez. Une silhouette, là-bas, entre les arbres. Je tire directement et le corps s'effondre. Je me mets à courir vers cet endroit pour voir si j'avais bien touché ma cible et me fige sur place.
Un enfant.
J'ai tué un enfant.
Un enfant armé.
J'imagine mon fils à sa place et sens les larmes monter. Comment pouvait-on utiliser des gamins pour faire la guerre ? C'était ignoble ! Cruel ! Je laisse tomber mon Famas sur le sol et me met à genoux. Je n'ai jamais cru en Dieu et, pourtant, je joins les mains devant moi et me met à prier pour ce gosse à peine plus âgé que le mien. J'étais un simple adolescent que j'ai eu mon enfant. Maintenant père, c'était dur de pouvoir imaginer un fils si jeune partir au combat. Une main se pose sur mon épaule. Mon Capitaine est là, accroupit à côté de moi, et semble désolé.

« La vie est cruelle en ce monde, nous n'y pouvons rien. Aucune pitié n'est tolérée quand on doit gagner. »

Ces mots font mal et me tranche le cœur ainsi que l'estomac. J'ai envie de vomir ma culpabilité. Je n'ai plus envie d'être militaire, plus envie de rester dans ce pays. Tout le poids de la solitude me tombe sur les épaules, mon crâne me fait mal, mes mains tremblent. Pourtant, le Capitaine se redresse et me tend mon Famas. Je veux rentrer chez moi... Je me relève et reprend l'arme, comme un con. Je suis le Capitaine à travers les hautes herbes et m'arrête pour contempler l'étendu des dégâts : un village tout entier, brûlé et assiégé par les hommes de la légion, chacun aide d'autres à porter les corps des paysans morts. Des armes sont éparpillées sur le sol, et des gamins sont pétrifiés dans leur propre sang. Cette horreur me donna la gerbe et je vomis le casse-croûte du matin. Alors c'était ça, la guerre ? On s'en prenait à de simples paysans qui essayaient de se défendre avec des armes données par leur propre armée ?
Je ne suis pas fier d'être un soldat. Je suis encore moins fier d'être un français. Si c'est ça, protéger notre pays, alors je préfère mourir que de tuer. Mon nez coule, je passe mon avant-bras sous mes narines. Mes doigts se crispent, je lâche mon arme et serre les poings tout en redressant la tête vers le ciel.
Et je me mets à crier.
A crier pour m'arracher les amygdales, pour montrer à ma légion que le carnage n'arrange rien, pour leur montrer que je suis contre tout ça. J'ai eu peur pour ma vie, maintenant j'ai peur pour celle des habitants de ce pays. Je deviens dingue. Mon Capitaine essaie de me rassurer avec des paroles incohérentes et je cris de plus belle, m'acharnant à tourner en ronds jusqu'à perdre l'équilibre. Et une fois vidé de mon soûl, on me porte dans la Jeep pour me ramener au campement.

Aujourd'hui, je suis enfermée. On me détient entre quatre murs blancs, dans un centre psychologique qui a pour but de me réintroduire dans le monde normal. Je ne parle plus, je ne regarde plus les gens en face. En fait, depuis deux ans, je mange, je bois, je dors et je vais aux chiottes. On m'a emmené ici parce qu'on me croyait fou, aliéné. Dès qu'on me dit que mon frère me rend visite, je hurle sans prononcer de paroles pour qu'ils sachent tous que je ne veux pas le voir. Je ne veux plus voir personne.
Elle est belle, la France. On nous envoie batailler contre des paysans amaigris et quand on se rend compte du massacre, on nous prend pour des déséquilibrés mentaux. Je hais mon pays. Et je sens que je ne suis pas le seul à le haïr, dans ce monde. Quelque chose me dit que les guerres ne finiront que lorsqu'il n'y aura plus personne pour en créer. Alors je reste là, lisant les nouvelles quand on m'apporte le journal hebdomadaire. Je ne sais pas ce que sont devenus ma femme et mon fils et, pour le coup, je m'en fous. Loin d'eux, je suis sûr de ne pas leur faire de mal. Après avoir vu l'horreur, j'ai peur d'être réellement devenu fou.
Et je suis fier d'être fou.

Samedi 24 avril 2010 à 19:21

Titre : Que les gens aillent se faire foutre
Date de création : 21 août 2009
Genre : Psychologiquement triste

Je ne sais pas comment faire comprendre aux gens qu'il vaut mieux m'éviter, en certaines occasions. J'ai beau le leur répéter, ils le prennent mal et continus à me poser des questions existentielles totalement incohérentes. Ensuite, on se plains de moi, on m'en veux, on renie mon existence, on me fui et on ne cherche même pas à me comprendre.

Que les gens aillent se faire foutre.

Pourquoi devrais-je m'inquiéter pour des personnes sans importance ? Des personnes qui ne méritent même pas mon regard ? Je suis cruel, oui, et fier de l'être. Je suis comme ça. Et vous savez pourquoi ? PARCE QUE ! Il n'y a aucune raison valable. Je pourrais vous dire que c'est parce que je suis né comme ça. Je pourrais vous dire que mon ex m'a rendu comme ça. Ou alors que c'est simplement mon entourage qui m'a rendu comme ça. Je pourrais en sortir, des excuses. Seulement, aucune de convient parfaitement. J'ai grandi dans le silence, dans l'ombre. J'ai observé longtemps et longuement ce qui m'a toujours entouré. Je n'y ai vu que du mauvais et ça m'a suffit pour renier ma propre existence.
Parce que moi, je ne suis pas aussi stupide.

Que les gens aillent se faire foutre.

Trèves de bavardages inutiles. Je me lève de mon lit, balance le drap sur le côté. J'ai très mal dormi, ça se voit. J'ai le regard vide, indifférent, qui me fixe à travers le miroir. Que suis-je en train de devenir ? Je repense une nouvelle fois à mon passé, à ces quelques souvenirs où je riais avec les autres sans me poser de questions. Avec tout ça, j'ai finalement compris qu'il était très facile de s'en prendre psychologiquement à quelqu'un. On commence par mentir, comme tout enfant normalement constitué. A force de mensonges, on en rajoute une couche. Les gens deviennent gentils, aimants... si faibles ! En réalité, je les déteste. Tous. Parce que personne n'est à mon image. Et puisque je ne peux pas créer le Monde, je détruis celui qui ne me correspond pas.
Là, front contre la vitre froide de ma fenêtre, j'observe impassiblement les voitures qui défilent sur la route principale. Je repense à tout ça, je continus de réfléchir à ma vie –à ma mort. Je n'ai du respect pour personne. Pourtant, je ne suis pas aussi cruel que je pourrais le dire. Sinon j'aurai déjà brandi mon couteau contre quelqu'un d'autre que moi-même.
Ma mère m'appelle, en bas. Je ne suis pas descendu de la matinée et c'est déjà l'heure du déjeuner. Je déteste ces repas avec cette conne, son abruti de mari et mon soi-disant grand-frère. Mon père est mort il y a bien des années, c'est peut-être une part de raison pour laquelle je suis devenu ce que je suis. Je tape légèrement la vitre de mon poing puis descend au rez-de-chaussée. Toutes les fenêtres sont ouvertes, laissant rentrer un gros vent qui m'ébouriffe encore plus les cheveux. Le regard de mon demi frère se pose sur moi –c'est le seul à encore oser le faire. Qu'est-ce qu'il veut avec son air tout autant indifférent que le mien ? On n'a jamais parlé ensemble et, pourtant, ça fait presque deux ans que ces deux cons vivent avec ma mère et moi. Je l'ignore, m'installe à ma place habituelle. Aussitôt, ma mère déclare :
« Change de place avec Armand. »
Et en quel honneur ? Ca a toujours été ma place depuis que papa est mort. Elle ne me regarde toujours pas, évite mes yeux. Je me relève, laisse cet intrus prendre ma place. Jamais. Jamais il ne prendra la place de mon père ! Mon poing se serre, mon regard se voile de haine ; je sens au plus profond de mes entrailles que je vais gerber ma rancœur –et surtout tout l'alcool que j'ai ingurgité chez Fred hier soir. Laurent se lève brusquement, me faisant relâcher la pression sous le coup de la surprise. Ses yeux verts me fixent, me jaugent, tentent de lire en moi. Je serre les dents, émet un son grave et tourne le dos à toute la table pour m'enfuir dans la fierté –droit, tête haute, marche lente.

Que les gens aillent se faire foutre.

Encore une fois, je n'ai pas pu crier haut et fort mon désarroi. Je me sens minable, seul, totalement con. Depuis le début, je fais mon irrésistible égoïsme, essayant de chasser ces parfaits Insectes de ma vie, mais ça ne sert à rien. Pire encore ! Laurent vient de m'affronter silencieusement. J'ouvre la porte de ma chambre, la claque d'un coup sec du pied, approche de la fenêtre. Les voitures circulent toujours aussi vite, pressés de rejoindre leur domicile. Pas un seul ne roule à la bonne limitation de vitesse. J'aimerai pouvoir crever leurs roues, les voir crever lentement dans les flammes de leur moteur... C'est à cause d'eux que j'ai perdu mon père !
Mes oreilles bourdonnent, ma tête tambourine. Je me sens vraiment mal. Serait-ce l'alcool de la veille ? Ou la pression du moment ? Je lève mes mains, observe mes paumes si blanches, fronce les sourcils et pense à nouveau. De quoi est donc fait ce monde pour qu'on y attache tant d'importance ? Pourquoi certaines personnes se battent encore au détriment de l'humanité ? J'ai sacrément envie d'apporter une réponse à ces questions qui m'ont paru bien connes jusqu'à aujourd'hui.
Je tourne mon regard vers ma table de nuit. Mon couteau de chasse est là, utilisé il y a à peine deux jours pour me tailler la peau du bras gauche. J'en porte des cicatrices. Et pas mal de personnes m'en ont tenu rigueur. Je leur ai tout de suite dit d'aller se faire foutre. Ils me jugent, m'insultent... puis prennent une paire de ciseaux et font pareils. N'importe quoi.

Que les gens aillent se faire foutre.

Je choppe ma lame, l'observe avec application. Si quelqu'un me verrait en cet instant, il se demanderait si je n'aurai pas volé les yeux d'un aigle. Mon reflet dans le miroir me montre quelqu'un de totalement différent de moi –quelqu'un de sombre, de muet, de réellement atteint mentalement. Je devrais voir un psy'... Cette idée ressort très vite de ma tête. Un psy' ? Est-ce que j'ai une tête à aller voir un psy' ? Je vais me faire interner, c'est tout !
Je repose mon regard sur le couteau que je tiens. La première chose que je fais, c'est de passer le bout de ma langue sur la lame ; d'une part pour lécher mon propre sang séché, d'autre part pour la lubrifier un peu et lui permettre de couper avec plus de facilité. Hop, je la dirige enfin vers mon bras gauche, recommence mon manège à décorer ma peau de traits ouverts où le sang s'écoulait lentement. La douleur et la sensation du liquide qui coule me calment aussitôt. Ca fait du bien ! Un bien fou et inimaginable. Même mon ex, quand il m'a baisé trop fort à m'en déchirer le cul ne m'a pas fait autant d'effet.
Finalement, je termine par une longue et belle balafre tout le long de mon poignet. Profonde, très profonde. Je lâche le couteau, laisse le dos de mes mains se poser sur mon matelas alors que je m'assois et observe le ciel bleu de ma fenêtre. Mon regard se vide, je laisse mes lèvres entrouvertes. Derrière moi, la porte s'ouvre. Je sens une présence dans ma chambre... mais j'ai perdu la force de me tourner. Merde, je crois que j'ai coupé trop profond là...
Laurent se met devant moi. Ses yeux paraissent surpris par le spectacle. Et, aussitôt, il s'agenouille devant moi et observe les dégâts en prenant mon bras meurtris entre ses mains qui me semblent douces et tendres. Je le fixe sans trop comprendre ce qui m'arrive. Il prononce des mots incompréhensibles, me jette des coups d'œil alarmés. Je le vois arracher une bonne partie de mon drap sale, tamponner le tissu sur mes blessures.
Finalement, je sombre dans l'inconscience...

Que les gens aillent se faire foutre, c'est la dernière chose dont j'ai pu penser.

Samedi 24 avril 2010 à 19:22

Titre : Chante. Chante.
Date de création : 22 août 2009
Genre : Psycho'

« I got you~ Under my Skin »

Je chante. Je chante à m'en décrocher la mâchoire. Je chante ce tube d'un groupe coréen. Je tente d'oublier tout ce qui m'entoure, tout ce qui fait ma vie -tout ce qui a été, tout ce qui sera.
Ma poitrine se soulève sous une respiration irrégulière. Mes oreilles bourdonnent et je m'en fiche. La musique est forte, ma voix l'est tout autant. Les fenêtres sont ouvertes ; rien à foutre si quelqu'un m'entend. Je m'exprime avec la musique. Je rentre dans un univers totalement différent de celui qu'on connaît tous. Ici, il n'y a que le son, la mélodie ; une forêt de décibels impérissables. J'aime parcourir le fond de mon crâne pour en observer les moindres recoins. Beaucoup de souvenirs se regorgent dans un coin de ma tête mais je ne vois plus rien. Je chante dans le noir complet d'un monde qui m'appartient.
La musique s'arrête, les dernières paroles sont jetées. J'ouvre mes paupières et prends quelques millièmes de secondes à réaliser où mon corps se trouve. L'espace d'une chanson, j'avais oublié où j'étais.
Par la fenêtre ouverte, j'entends à nouveau toutes les voitures circuler sur la route principale. En bas, quelqu'un est en train de passer l'aspirateur. Je peux même entendre le voisin préparer son tracteur pour une nouvelle épopée vers ses vignes croissantes.
J'avale difficilement ma salive. Ca y est, mes glaires sont à nouveau revenues. Fait chier ! La réalité est toujours aussi médiocre, toujours aussi sale et pathétiquement hallucinante. Je décide alors de mettre une musique douce, une musique appartenant au film « man on fire » faite par Lisa Gerrard. J'aime cette chanteuse talentueuse... Elle allie si parfaitement les notes, de la plus grave à la plus aigus. Les gens la connaissent surtout pour la Bande Originale de « Gladiator ». J'ai jamais vu ce film en entier. Bref, j'appuie sur la touche « play » du lecteur VLC et écoute. Ca fait du bien. A nouveau, je me plonge dans mon propre esprit, respire l'infini noirceur de mon être, oublie le présent pour me concentrer sur cet univers que mon propre cœur construit au fil de la mélodie. Mon estomac se serre, mes doigts se crispent. Mes yeux se ferment mais des images se forment au plus profond de moi et je revois alors ce que je redoute le plus depuis des années : la mort de mon chat. L'être que j'ai respecté depuis ma plus tendre enfance s'est fait renversé par une voiture aussi rapidement que s'il aurait attrapé une souris dans la maison. Tout mon univers s'était effondré, ce jour là. Y repenser maintenant, en écoutant Lisa Gerrard, me rend malade... J'ouvre les paupières, fronce les sourcils, arrête le lecteur... et laisse mes larmes prendre la relève. Dans ce genre de moment, j'écoute quelques musiques du film « Brokeback Mountain » et me laisse aller dans l'ignorance des membres de ma famille. Paraître fort tout le temps n'est qu'un mensonge... Seulement, c'est quand ma solitude retombe sur mes épaules et que la seule compagnie que j'ai n'ai que Madame Souffrance du Passé, je me vide de mes larmes contenues et cherche la porte de sortie dans un dédale d'émotions fortes.
Après plusieurs minutes, j'inspire un bon coup. Ca y est, c'est passé. Mes yeux me piquent mais je m'en fiche. Je les frotte, nettoie mes joues, cherche à reprendre une expression à peu près normale sur le visage. Je déteste montrer mes émotions. Et surtout CE genre d'émotions. Je parais si faible... Je déteste les gens faibles.
Je reprends le cours des choses et rallume le lecteur VLC sur la chanson coréenne. Je ne connais ce groupe que depuis deux jours et, déjà, je ressens les effluves d'une irréprochable volonté fanatique. J'aime leur présence, leurs paroles... La mélodie d'arrière-plan, le défi des chorégraphies. Ca change de ce qu'on peut voir sur les clips américains. Au moins, ce groupe coréen ne voit pas l'intérêt de prendre quelques Bimbos et une piscine pour tourner des scènes totalement ridicules.

« I got you~ Under my Skin »

Je retrouve le punch. Ca y est. Je ressens l'électricité parcourir mon corps, l'intensité de l'adrénaline alors que je me vois sur une scène, dans mon propre esprit. Le public gueule, m'acclame et moi, j'en rejette une couche, je chante encore plus fort, je me déhanche comme un allumé. Je domine la scène, je domine le monde. C'est Moi que les gens regardent, c'est Moi qui suis le Roi.
Et alors que les images se font de plus en plus réelles, la mélodie baisse –la fin approche. Je cherche à attraper un morceau du rêve pour le garder avec moi. Je tiens maladroitement le micro pour éviter qu'il ne tombe. J'ai vidé mes entrailles, je n'ai plus de forces. Je respire avec hargne, je cherche un courant d'air frais. Mes oreilles bourdonnent sous les basses qui s'arrêtent lentement. Les cris s'affrontent, j'entends des centaines de groupies m'appeler.
Tout est terminé. J'ouvre les yeux, écoute, sombre dans ma propre léthargie. L'adrénaline retombe, je m'incline respectueusement devant ce public fidèle et déchaîné. Finalement, je tourne le dos au Grandiose et me retrouve à nouveau seul dans les coulisses de mon esprit vide.

Samedi 24 avril 2010 à 19:23

Titre : Soirée bien arrosée
Date de création : 30 août 2009
Genre : Réalité - Léger humour
Note personnelle : J'ai changé la réalité mais je me suis réellement occupée d'une Amie bourrée. Je me levais toutes les heures dans la nuit de mercredi à jeudi pour être sûre qu'elle ne soit pas sur le dos.

« Excuses moi...
_ Tu n'as pas à t'excuser, arrêtes.
_ Je m'en veux de me montrer aussi pitoyable... »
Je m'agenouille au bord du lit pour te regarder de plus près, passant le bout de mes doigts sur ta joue encore humide de morve. Tu as passé la soirée à picoler, à te torcher la gueule, et voilà que tu es chez moi, dans la chambre d'amis, à vomir tes tripes et à t'excuser pour tout ce merdier. Te voir aussi faible me rend malade. Jamais je n'aurai pu imaginer que tu te laisserai plonger dans l'alcool, à boire en solo des culs secs sans trouver le moyen de t'arrêter. Si j'avais su...
Tes yeux sont remplis de larmes que tu ne laisses pas couler, tu poses ton regard sur moi, implorant. Tu aimerai que ton calvaire finisse et je te comprends parfaitement... J'ai la phobie de vomir alors je sais ce que tu ressens. Timidement, tu attrapes la peluche « tigre blanc » que je t'ai si gentiment prêté pour la nuit et tu murmures d'une voix chevrotante :
« Tu n'es pas fatigué ? »
Et je réponds de but en blanc :
« Pas assez pour m'en aller maintenant.
_ J'ai peur de rester seul.
_ Ne t'inquiète pas, je suis là. »
Je remarque alors que tes yeux fixent la bague à ton doigt. Il s'agit de l'alliance de ton père, celle où il y a gravé son nom et celui de ta mère défunte, ainsi que leur date de mariage. Je repense alors à ta génitrice. Elle était si belle, si souriante. Une japonaise que ton père avait rencontrée à Paris. Combien de fois l'histoire avait-elle été racontée ? Je me souviens de ses éclats de rire lorsque ton père racontait l'une de ses blagues idiotes. Ou encore de ses longs cheveux noirs qui flottaient au vent alors qu'elle prenait soin de ses rosiers. Elle était tout simplement magnifique. Lorsqu'elle a perdu la vie en montagne, plus rien n'a été pareil. Nous avions tous perdu quelque chose de précieux. Quand je parlais avec elle, à l'abri des oreilles indiscrètes, elle ne me jugeait pas et tentait simplement de m'épauler sans pour autant me donner de conseil.
Aujourd'hui, alors que tu vomis tout l'alcool et la tarte flambée que tu as ingurgités, je vois à quel point les choses ont évolué dans un sens mauvais. L'alcool a pris le dessus sur ta vie et tu bois à la première occasion, au grand dam de ton père. Malgré moi, je cherche déjà une excuse que tu pourrais présenter à ton paternel lorsque tu rentrera chez toi demain matin. C'est alors que je t'entends marmonner :
« Connasse... »
Aussitôt, je me crispe. Serais-tu en train d'essayer de me parler ? De te livrer un peu pour expier tes erreurs et démarrer une nouvelle vie ? Je n'ai pas le temps de me poser des questions aussi farfelues. Je te regarde, passe le bout de mes doigts dans tes cheveux fins. Tu as hérité de la beauté japonaise de ta mère...
« De qui parles-tu ? Demandais-je.
_ Ce n'est qu'une connasse... »
Je saisis alors le sens de ces paroles. Ton père a rencontré une femme il y a quelques mois et, depuis plusieurs semaines maintenant, elle vit avec vous dans votre luxueuse maison campagnarde. Je l'ai vu deux ou trois fois et je ne l'ai pas trouvé sympathique. Plutôt antipathique même. C'est alors que je sens la douleur irradier de ton corps. Depuis tout ce temps, tu gardes ta rancune au fond de toi sans jamais avoir osé en parler avec ton père. J'essaie de trouver les mots adéquats.
« C'est ta vie, pas la sienne. Pour le moment, ne t'occupes pas d'elle, occupes toi de toi. Il faut que tu ailles mieux. La priorité, c'est que tu te reposes. »
Un léger ricanement traverse tes lèvres. La pression monte. Je me sens mal... Je te vois te pencher, saisir rapidement la bassine et vomir une énième fois dedans. Moi, je me lève, recule légèrement. Je veux rester mais je ne supporte pas l'odeur de gerbe. Ca me donne envie d'en faire autant, même si je n'ai pratiquement rien dans l'estomac. Pourtant, avec ma phobie de vomir, je refrène cette horrible pensée et je t'observe avec difficultés. Vraiment, te voir ainsi me rend triste. Jusqu'à maintenant, tu te faisais passer pour quelqu'un de fort, comme moi. Et je crois que la réalité des choses a du mal à percer en moi –on reste des êtres humains avec des sentiments et des émotions, même si on ne les montre pas.
C'est alors que je m'entends dire :
« Tu n'as pas à t'excuser pour tout ça. Tout le monde a le droit de se laisser aller de temps en temps. Tu crois sincèrement que je ne pleure jamais ? »
Tu me regardes, je le sens. Doucement, tu reposes la bassine sur le sol et tu fermes tes paupières. Mes mains sont gelées, j'ai mal aux yeux. J'ai envie de bailler mais je me retiens. Je ne bouge plus, reste fixé sur le même endroit jusqu'à en avoir mal à la plante des pieds. Le sol craque légèrement mais je ne veux pas te déranger dans ta léthargie. Lentement, je vois ton bras s'affaisser, se poser sur le matelas. Ta respiration devient plus lente, plus grave. Enfin, tu trouves le sommeil.
Je reste à la même place durant un laps de temps inconnu. J'ai mal aux pieds, mes genoux me tirent, mais je m'en fous. Je te regarde avec une compassion doublée d'amertume. Il fallait que tu te bourres la gueule et que tu gerbes pour te livrer un strict minimum à moi. On se connaît depuis plus de quatre années mais je ne connais pratiquement rien de toi. Je m'en rend compte maintenant. J'ai toujours dis aux gens que tu étais une des seules personnes que je respectais entièrement... sans même savoir ce que tu étais réellement. Aujourd'hui plus qu'hier, je me sens proche de toi. Je sais que cette illusion s'effacera dès que tu retrouvera ton punch habituel mais je tiens à garder ce souvenir dans ma mémoire.
Doucement, je me recule vers le mur, m'y adosse, me laisse glisser jusqu'au sol. Mon regard ne quitte pas ton visage aux traits désormais doux, mes sourcils se froncent dans une expression de profonde détresse et mes larmes se mettent à couler dans le silence de la nuit. Je ne pourrais réellement expliquer ce que je ressens mais je sais qu'on a tout de même fait un grand pas dans notre amitié. J'ai pu te prouver à ma manière que je ne te lâcherai pas – tu as pu me montrer à ta manière que tu me faisais un minimum confiance.
Et alors que le sommeil m'emporte doucement avec lui, je revois avec détails le fameux sourire de ta mère, son corps si svelte sous ses robes de modèles Gothic Lolita. Je l'adorais... Et je t'adore tout autant. Je crois même qu'en cette nuit de perdition, ce sentiment que j'ai pour toi est bien plus profond.

La lumière du soleil traverse mes paupières, réduisent mes rétines à un état de douleur sans nom. Je gémis et bouge légèrement. Je suis courbaturé de partout, j'ai surtout mal au dos et au cul. Putain, qu'est-ce qui s'est passé ? J'ouvre difficilement les yeux, entend un bruit de craquement de bois non loin. Devant moi, tu es là à me sourire légèrement, encore endormi mais assis sur le matelas. Faudrait penser à changer ces putains de lattes du sommier parce qu'elles craquent de plus en plus. Je cherche un appui, trouve la poignée de la porte, m'aide à me relever avec celle-ci. Enfin sur mes pieds, je m'étire le plus souplement possible en faisant craquer mes os. Plus jamais, ôh Grand, plus jamais je ne dormirai par terre !
Je m'approche du lit, m'assois sur le bord du matelas, te regarde.
« Alors, ça va mieux ? »
Ta voix est rocailleuse, ton souffle sent la pourriture mais tu me souris toujours légèrement et marmonne :
« Ouais. J'espère que tu m'en veux pas. »
Les choses redeviennent normales. Cette nuit, tu t'excusais ouvertement. Maintenant, tu t'excuses à la façon dont je connais le plus : tu prends le chemin le plus long.
Je souris, penche la tête sur le côté.
« Maintenant, tu vas prendre une bonne douche et abuser du dentifrice. »
Je me lève, vais dans la chambre de ma sœur déjà partie au boulot et pique une grande serviette dans son armoire. Vite fait, je passe par ma piaule et cherche des fringues qui pourraient aller à ton corps assez athlétique et surtout plus grand que le mien. J'opte pour un pantalon large aux poches latérales et un Marcel beaucoup trop grand pour moi.
Après quelques minutes, te voilà sous la douche. Et moi, je remarque enfin que j'ai quelques croûtes sous les yeux. Putain, j'ai réellement pleuré... J'espère que tu ne l'a pas remarqué quand j'étais assis à côté de toi. J'aime pas que les gens sachent que je puisse pleurer, bien que je te l'ai avoué cette nuit. Te rappelles-tu de tout ce qui s'est déroulé ? Je ne chercherai pas à te faire recouvrer la mémoire. C'est bien mieux si tu ne t'en souviens pas.
Tu ressors de la douche, tout frais, et places du dentifrice sur ton doigt à la Système D. Je t'observe alors que je m'habille pas loin, un léger sourire aux lèvres. Je préfère nettement te voir comme ça. Avec la chaleur qu'il fait, je ne mets pas directement un haut et je fonce allumer le PC. Tu m'y rejoins quelques temps plus tard dans ton mutisme que je connais si bien. Nos regards ont toujours suffit pour qu'on se comprenne. Alors je pose mes prunelles sur toi, te souris. Les cheveux ébouriffés, ça te va très bien. J'hésite à te le dire puis, finalement, je prononce :
« Le coiffage en pétard n'est pas si mal sur toi. »
Et, avec ton humour habituel, tu te passes la main dans les cheveux et tu réponds du tac au tac :
« Je sais. Je le vaux bien, voyons.
_ Mais oui, mais oui. »
Je ris légèrement, je fixe l'écran de l'ordinateur. Tu le vaux bien, oui. Mais jamais je ne te le dirai.
La matinée passe très vite. Finalement, moi qui voulais te ramener, je me retrouve condamné à devoir rester à la maison pour surveiller ma grand-mère atteinte de Parkinson. Je rends tes clés que ma sœur t'as confisqué hier soir pour être sûre que tu ne rentres pas complètement blindé, et on se dirige vers ta Punto. Je ressens une horrible douleur dans un coin de mon torse –sans vouloir préciser lequel- et je me force à sourire alors que tu ouvres la portière côté conducteur. Une fois celle-ci refermée, tu ouvres directement ta fenêtre en grand.
« Viens par là. »
Je m'approche, sourcil haussé.
« Qu'est-ce que tu veux ?
_ Te dire au revoir. »
Tu passes ton bras dehors, tes doigts choppent ma nuque et me forcent à me baisser. Ton visage s'avance vers le mien et tu m'offres un rapide et léger smack sur les lèvres. Surpris, je ne daigne pas comprendre ce qui arrive. Tu me souris puis tu enchaînes simplement :
« Je te préviendrai quand je serai arrivé. Passe une bonne journée. »
Marche arrière, marche avant, coup d'accélérateur et hop, te voilà parti. Il m'a fallu deux bonnes minutes pour m'en rendre compte. Finalement, j'éclate de rire tout seul, comme un con, sur le trottoir. Toi et ton humour de débile ! En fait, tu m'as simplement tapé ce smack comme remerciement parce que tu es trop fier pour le dire de vive voix. Et même si j'ai un léger pincement au cœur, je continus de rire alors que je rentre, monte à l'ordinateur et attends le moment où tu viendra me dire que tu es arrivé.

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