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~Antre de Riku-san~

Samedi 24 avril 2010 à 19:20

Titre : Armée
Date de création : 5 avril 2009
Genre : Légion étrangère - Fiction (réalité ?) - Psychologique
Note personnelle : Je tiens à préciser que je n'ai rien contre l'Armée. Mon père fait parti de l'armée de Terre et il ne me viendrait pas à l'idée d'en insulter les soldats. Cependant, je garde un point de vue essentiel : certaines guerres ne sont pas les nôtres.

 

Nous partons au combat, nous chevaliers des temps modernes. Militaires de carrière, nous marchons dans les broussailles, Famas à la main, prêt à tirer sur les ennemis. Nous sommes dans une vraie jungle, nos adversaires sont aussi bien hommes qu'animaux. Le Capitaine se retourne, me dévisage, me souris légèrement. J'ai à peine vingt-trois ans et on m'a envoyé dans cette patrie pour servir mon pays. Finalement, je n'ai pas beaucoup appris de l'armée de terre. Tout ce que je sais, en ce moment même, c'est que nous risquons tous notre vie. Le Capitaine est le seul homme de notre troupe à partager un passé commun avec moi ; c'est mon frère aîné. Toujours un exemple pour moi, je l'ai suivi sur les traces de la légion dès mon obtention du diplôme universitaire où j'étais. Dans ma tête, je n'avais vu que treillis et armes jusqu'au jour où je suis entrée dans l'armée. De bons souvenirs.
La tension était palpable. Tous les hommes étaient en sueur, y compris moi. La seule femme parmi nous restait étrangement calme et assurée. Parfois, je lui jetais quelques coups d'œil, impressionné par son tempérament de feu. Bien que nous sachons où nous allons, nous n'arrivons pas encore à calculer ce qui nous attendait. Des frissons me parcourent le dos dès qu'une goutte de sueur passe, mes mains sont moites, mes rétines me brûlent tellement j'angoisse sur ce terrain qui nous entoure et nous est étranger.
Le Capitaine s'arrête alors, fait un signe de la main, m'ordonne de rester sur place avec deux autres compagnons pour garder les arrières. J'ai toujours admiré le commandement de mon frère. Si on réussit cette mission, il montera certainement en grade. Le Colonel l'apprécie beaucoup, à ce que j'ai remarqué à la caserne.
Trois au même endroit, nous avançons à reculons en gardant le Famas bien en main. Ca transpire l'embuscade... Serait-ce une impression ? Une simple rêverie de ma part ? Qu'est-ce que j'aimerai être en France, chez moi, dans mon lit. Ma femme me manque, mon fils aussi. J'avais été si fier d'entrer dans la légion et maintenant, j'ai peur. Je suis effrayé à l'idée que la mort pourrait me prendre dans la seconde qui suit. Est-ce que mes compagnons ressentent la même chose ? Je ne sais pas. Je n'ai pas envie de voir leur visage.
Concentré sur les sons que l'on entendait, je me crispe soudain en entendant des coups de feu. A côté de moi, de légers gémissements avant que les soldats de ma patrie ne tombent. Apeuré, je me lance directement derrière un arbre et colle mon dos au tronc. Le Famas plaqué contre le torse, je respire lourdement. Quelle galère ! Qu'est-ce que je suis censé faire ? Me jeter dans la gueule du loup et attaquer ? M'enfuir comme un lièvre ? Si je partais, mon frère m'en voudrait... Je prends une profonde inspiration et décide de montrer le bout de mon nez. Une silhouette, là-bas, entre les arbres. Je tire directement et le corps s'effondre. Je me mets à courir vers cet endroit pour voir si j'avais bien touché ma cible et me fige sur place.
Un enfant.
J'ai tué un enfant.
Un enfant armé.
J'imagine mon fils à sa place et sens les larmes monter. Comment pouvait-on utiliser des gamins pour faire la guerre ? C'était ignoble ! Cruel ! Je laisse tomber mon Famas sur le sol et me met à genoux. Je n'ai jamais cru en Dieu et, pourtant, je joins les mains devant moi et me met à prier pour ce gosse à peine plus âgé que le mien. J'étais un simple adolescent que j'ai eu mon enfant. Maintenant père, c'était dur de pouvoir imaginer un fils si jeune partir au combat. Une main se pose sur mon épaule. Mon Capitaine est là, accroupit à côté de moi, et semble désolé.

« La vie est cruelle en ce monde, nous n'y pouvons rien. Aucune pitié n'est tolérée quand on doit gagner. »

Ces mots font mal et me tranche le cœur ainsi que l'estomac. J'ai envie de vomir ma culpabilité. Je n'ai plus envie d'être militaire, plus envie de rester dans ce pays. Tout le poids de la solitude me tombe sur les épaules, mon crâne me fait mal, mes mains tremblent. Pourtant, le Capitaine se redresse et me tend mon Famas. Je veux rentrer chez moi... Je me relève et reprend l'arme, comme un con. Je suis le Capitaine à travers les hautes herbes et m'arrête pour contempler l'étendu des dégâts : un village tout entier, brûlé et assiégé par les hommes de la légion, chacun aide d'autres à porter les corps des paysans morts. Des armes sont éparpillées sur le sol, et des gamins sont pétrifiés dans leur propre sang. Cette horreur me donna la gerbe et je vomis le casse-croûte du matin. Alors c'était ça, la guerre ? On s'en prenait à de simples paysans qui essayaient de se défendre avec des armes données par leur propre armée ?
Je ne suis pas fier d'être un soldat. Je suis encore moins fier d'être un français. Si c'est ça, protéger notre pays, alors je préfère mourir que de tuer. Mon nez coule, je passe mon avant-bras sous mes narines. Mes doigts se crispent, je lâche mon arme et serre les poings tout en redressant la tête vers le ciel.
Et je me mets à crier.
A crier pour m'arracher les amygdales, pour montrer à ma légion que le carnage n'arrange rien, pour leur montrer que je suis contre tout ça. J'ai eu peur pour ma vie, maintenant j'ai peur pour celle des habitants de ce pays. Je deviens dingue. Mon Capitaine essaie de me rassurer avec des paroles incohérentes et je cris de plus belle, m'acharnant à tourner en ronds jusqu'à perdre l'équilibre. Et une fois vidé de mon soûl, on me porte dans la Jeep pour me ramener au campement.

Aujourd'hui, je suis enfermée. On me détient entre quatre murs blancs, dans un centre psychologique qui a pour but de me réintroduire dans le monde normal. Je ne parle plus, je ne regarde plus les gens en face. En fait, depuis deux ans, je mange, je bois, je dors et je vais aux chiottes. On m'a emmené ici parce qu'on me croyait fou, aliéné. Dès qu'on me dit que mon frère me rend visite, je hurle sans prononcer de paroles pour qu'ils sachent tous que je ne veux pas le voir. Je ne veux plus voir personne.
Elle est belle, la France. On nous envoie batailler contre des paysans amaigris et quand on se rend compte du massacre, on nous prend pour des déséquilibrés mentaux. Je hais mon pays. Et je sens que je ne suis pas le seul à le haïr, dans ce monde. Quelque chose me dit que les guerres ne finiront que lorsqu'il n'y aura plus personne pour en créer. Alors je reste là, lisant les nouvelles quand on m'apporte le journal hebdomadaire. Je ne sais pas ce que sont devenus ma femme et mon fils et, pour le coup, je m'en fous. Loin d'eux, je suis sûr de ne pas leur faire de mal. Après avoir vu l'horreur, j'ai peur d'être réellement devenu fou.
Et je suis fier d'être fou.

Samedi 24 avril 2010 à 19:21

Titre : Que les gens aillent se faire foutre
Date de création : 21 août 2009
Genre : Psychologiquement triste

Je ne sais pas comment faire comprendre aux gens qu'il vaut mieux m'éviter, en certaines occasions. J'ai beau le leur répéter, ils le prennent mal et continus à me poser des questions existentielles totalement incohérentes. Ensuite, on se plains de moi, on m'en veux, on renie mon existence, on me fui et on ne cherche même pas à me comprendre.

Que les gens aillent se faire foutre.

Pourquoi devrais-je m'inquiéter pour des personnes sans importance ? Des personnes qui ne méritent même pas mon regard ? Je suis cruel, oui, et fier de l'être. Je suis comme ça. Et vous savez pourquoi ? PARCE QUE ! Il n'y a aucune raison valable. Je pourrais vous dire que c'est parce que je suis né comme ça. Je pourrais vous dire que mon ex m'a rendu comme ça. Ou alors que c'est simplement mon entourage qui m'a rendu comme ça. Je pourrais en sortir, des excuses. Seulement, aucune de convient parfaitement. J'ai grandi dans le silence, dans l'ombre. J'ai observé longtemps et longuement ce qui m'a toujours entouré. Je n'y ai vu que du mauvais et ça m'a suffit pour renier ma propre existence.
Parce que moi, je ne suis pas aussi stupide.

Que les gens aillent se faire foutre.

Trèves de bavardages inutiles. Je me lève de mon lit, balance le drap sur le côté. J'ai très mal dormi, ça se voit. J'ai le regard vide, indifférent, qui me fixe à travers le miroir. Que suis-je en train de devenir ? Je repense une nouvelle fois à mon passé, à ces quelques souvenirs où je riais avec les autres sans me poser de questions. Avec tout ça, j'ai finalement compris qu'il était très facile de s'en prendre psychologiquement à quelqu'un. On commence par mentir, comme tout enfant normalement constitué. A force de mensonges, on en rajoute une couche. Les gens deviennent gentils, aimants... si faibles ! En réalité, je les déteste. Tous. Parce que personne n'est à mon image. Et puisque je ne peux pas créer le Monde, je détruis celui qui ne me correspond pas.
Là, front contre la vitre froide de ma fenêtre, j'observe impassiblement les voitures qui défilent sur la route principale. Je repense à tout ça, je continus de réfléchir à ma vie –à ma mort. Je n'ai du respect pour personne. Pourtant, je ne suis pas aussi cruel que je pourrais le dire. Sinon j'aurai déjà brandi mon couteau contre quelqu'un d'autre que moi-même.
Ma mère m'appelle, en bas. Je ne suis pas descendu de la matinée et c'est déjà l'heure du déjeuner. Je déteste ces repas avec cette conne, son abruti de mari et mon soi-disant grand-frère. Mon père est mort il y a bien des années, c'est peut-être une part de raison pour laquelle je suis devenu ce que je suis. Je tape légèrement la vitre de mon poing puis descend au rez-de-chaussée. Toutes les fenêtres sont ouvertes, laissant rentrer un gros vent qui m'ébouriffe encore plus les cheveux. Le regard de mon demi frère se pose sur moi –c'est le seul à encore oser le faire. Qu'est-ce qu'il veut avec son air tout autant indifférent que le mien ? On n'a jamais parlé ensemble et, pourtant, ça fait presque deux ans que ces deux cons vivent avec ma mère et moi. Je l'ignore, m'installe à ma place habituelle. Aussitôt, ma mère déclare :
« Change de place avec Armand. »
Et en quel honneur ? Ca a toujours été ma place depuis que papa est mort. Elle ne me regarde toujours pas, évite mes yeux. Je me relève, laisse cet intrus prendre ma place. Jamais. Jamais il ne prendra la place de mon père ! Mon poing se serre, mon regard se voile de haine ; je sens au plus profond de mes entrailles que je vais gerber ma rancœur –et surtout tout l'alcool que j'ai ingurgité chez Fred hier soir. Laurent se lève brusquement, me faisant relâcher la pression sous le coup de la surprise. Ses yeux verts me fixent, me jaugent, tentent de lire en moi. Je serre les dents, émet un son grave et tourne le dos à toute la table pour m'enfuir dans la fierté –droit, tête haute, marche lente.

Que les gens aillent se faire foutre.

Encore une fois, je n'ai pas pu crier haut et fort mon désarroi. Je me sens minable, seul, totalement con. Depuis le début, je fais mon irrésistible égoïsme, essayant de chasser ces parfaits Insectes de ma vie, mais ça ne sert à rien. Pire encore ! Laurent vient de m'affronter silencieusement. J'ouvre la porte de ma chambre, la claque d'un coup sec du pied, approche de la fenêtre. Les voitures circulent toujours aussi vite, pressés de rejoindre leur domicile. Pas un seul ne roule à la bonne limitation de vitesse. J'aimerai pouvoir crever leurs roues, les voir crever lentement dans les flammes de leur moteur... C'est à cause d'eux que j'ai perdu mon père !
Mes oreilles bourdonnent, ma tête tambourine. Je me sens vraiment mal. Serait-ce l'alcool de la veille ? Ou la pression du moment ? Je lève mes mains, observe mes paumes si blanches, fronce les sourcils et pense à nouveau. De quoi est donc fait ce monde pour qu'on y attache tant d'importance ? Pourquoi certaines personnes se battent encore au détriment de l'humanité ? J'ai sacrément envie d'apporter une réponse à ces questions qui m'ont paru bien connes jusqu'à aujourd'hui.
Je tourne mon regard vers ma table de nuit. Mon couteau de chasse est là, utilisé il y a à peine deux jours pour me tailler la peau du bras gauche. J'en porte des cicatrices. Et pas mal de personnes m'en ont tenu rigueur. Je leur ai tout de suite dit d'aller se faire foutre. Ils me jugent, m'insultent... puis prennent une paire de ciseaux et font pareils. N'importe quoi.

Que les gens aillent se faire foutre.

Je choppe ma lame, l'observe avec application. Si quelqu'un me verrait en cet instant, il se demanderait si je n'aurai pas volé les yeux d'un aigle. Mon reflet dans le miroir me montre quelqu'un de totalement différent de moi –quelqu'un de sombre, de muet, de réellement atteint mentalement. Je devrais voir un psy'... Cette idée ressort très vite de ma tête. Un psy' ? Est-ce que j'ai une tête à aller voir un psy' ? Je vais me faire interner, c'est tout !
Je repose mon regard sur le couteau que je tiens. La première chose que je fais, c'est de passer le bout de ma langue sur la lame ; d'une part pour lécher mon propre sang séché, d'autre part pour la lubrifier un peu et lui permettre de couper avec plus de facilité. Hop, je la dirige enfin vers mon bras gauche, recommence mon manège à décorer ma peau de traits ouverts où le sang s'écoulait lentement. La douleur et la sensation du liquide qui coule me calment aussitôt. Ca fait du bien ! Un bien fou et inimaginable. Même mon ex, quand il m'a baisé trop fort à m'en déchirer le cul ne m'a pas fait autant d'effet.
Finalement, je termine par une longue et belle balafre tout le long de mon poignet. Profonde, très profonde. Je lâche le couteau, laisse le dos de mes mains se poser sur mon matelas alors que je m'assois et observe le ciel bleu de ma fenêtre. Mon regard se vide, je laisse mes lèvres entrouvertes. Derrière moi, la porte s'ouvre. Je sens une présence dans ma chambre... mais j'ai perdu la force de me tourner. Merde, je crois que j'ai coupé trop profond là...
Laurent se met devant moi. Ses yeux paraissent surpris par le spectacle. Et, aussitôt, il s'agenouille devant moi et observe les dégâts en prenant mon bras meurtris entre ses mains qui me semblent douces et tendres. Je le fixe sans trop comprendre ce qui m'arrive. Il prononce des mots incompréhensibles, me jette des coups d'œil alarmés. Je le vois arracher une bonne partie de mon drap sale, tamponner le tissu sur mes blessures.
Finalement, je sombre dans l'inconscience...

Que les gens aillent se faire foutre, c'est la dernière chose dont j'ai pu penser.

Samedi 24 avril 2010 à 19:22

Titre : Chante. Chante.
Date de création : 22 août 2009
Genre : Psycho'

« I got you~ Under my Skin »

Je chante. Je chante à m'en décrocher la mâchoire. Je chante ce tube d'un groupe coréen. Je tente d'oublier tout ce qui m'entoure, tout ce qui fait ma vie -tout ce qui a été, tout ce qui sera.
Ma poitrine se soulève sous une respiration irrégulière. Mes oreilles bourdonnent et je m'en fiche. La musique est forte, ma voix l'est tout autant. Les fenêtres sont ouvertes ; rien à foutre si quelqu'un m'entend. Je m'exprime avec la musique. Je rentre dans un univers totalement différent de celui qu'on connaît tous. Ici, il n'y a que le son, la mélodie ; une forêt de décibels impérissables. J'aime parcourir le fond de mon crâne pour en observer les moindres recoins. Beaucoup de souvenirs se regorgent dans un coin de ma tête mais je ne vois plus rien. Je chante dans le noir complet d'un monde qui m'appartient.
La musique s'arrête, les dernières paroles sont jetées. J'ouvre mes paupières et prends quelques millièmes de secondes à réaliser où mon corps se trouve. L'espace d'une chanson, j'avais oublié où j'étais.
Par la fenêtre ouverte, j'entends à nouveau toutes les voitures circuler sur la route principale. En bas, quelqu'un est en train de passer l'aspirateur. Je peux même entendre le voisin préparer son tracteur pour une nouvelle épopée vers ses vignes croissantes.
J'avale difficilement ma salive. Ca y est, mes glaires sont à nouveau revenues. Fait chier ! La réalité est toujours aussi médiocre, toujours aussi sale et pathétiquement hallucinante. Je décide alors de mettre une musique douce, une musique appartenant au film « man on fire » faite par Lisa Gerrard. J'aime cette chanteuse talentueuse... Elle allie si parfaitement les notes, de la plus grave à la plus aigus. Les gens la connaissent surtout pour la Bande Originale de « Gladiator ». J'ai jamais vu ce film en entier. Bref, j'appuie sur la touche « play » du lecteur VLC et écoute. Ca fait du bien. A nouveau, je me plonge dans mon propre esprit, respire l'infini noirceur de mon être, oublie le présent pour me concentrer sur cet univers que mon propre cœur construit au fil de la mélodie. Mon estomac se serre, mes doigts se crispent. Mes yeux se ferment mais des images se forment au plus profond de moi et je revois alors ce que je redoute le plus depuis des années : la mort de mon chat. L'être que j'ai respecté depuis ma plus tendre enfance s'est fait renversé par une voiture aussi rapidement que s'il aurait attrapé une souris dans la maison. Tout mon univers s'était effondré, ce jour là. Y repenser maintenant, en écoutant Lisa Gerrard, me rend malade... J'ouvre les paupières, fronce les sourcils, arrête le lecteur... et laisse mes larmes prendre la relève. Dans ce genre de moment, j'écoute quelques musiques du film « Brokeback Mountain » et me laisse aller dans l'ignorance des membres de ma famille. Paraître fort tout le temps n'est qu'un mensonge... Seulement, c'est quand ma solitude retombe sur mes épaules et que la seule compagnie que j'ai n'ai que Madame Souffrance du Passé, je me vide de mes larmes contenues et cherche la porte de sortie dans un dédale d'émotions fortes.
Après plusieurs minutes, j'inspire un bon coup. Ca y est, c'est passé. Mes yeux me piquent mais je m'en fiche. Je les frotte, nettoie mes joues, cherche à reprendre une expression à peu près normale sur le visage. Je déteste montrer mes émotions. Et surtout CE genre d'émotions. Je parais si faible... Je déteste les gens faibles.
Je reprends le cours des choses et rallume le lecteur VLC sur la chanson coréenne. Je ne connais ce groupe que depuis deux jours et, déjà, je ressens les effluves d'une irréprochable volonté fanatique. J'aime leur présence, leurs paroles... La mélodie d'arrière-plan, le défi des chorégraphies. Ca change de ce qu'on peut voir sur les clips américains. Au moins, ce groupe coréen ne voit pas l'intérêt de prendre quelques Bimbos et une piscine pour tourner des scènes totalement ridicules.

« I got you~ Under my Skin »

Je retrouve le punch. Ca y est. Je ressens l'électricité parcourir mon corps, l'intensité de l'adrénaline alors que je me vois sur une scène, dans mon propre esprit. Le public gueule, m'acclame et moi, j'en rejette une couche, je chante encore plus fort, je me déhanche comme un allumé. Je domine la scène, je domine le monde. C'est Moi que les gens regardent, c'est Moi qui suis le Roi.
Et alors que les images se font de plus en plus réelles, la mélodie baisse –la fin approche. Je cherche à attraper un morceau du rêve pour le garder avec moi. Je tiens maladroitement le micro pour éviter qu'il ne tombe. J'ai vidé mes entrailles, je n'ai plus de forces. Je respire avec hargne, je cherche un courant d'air frais. Mes oreilles bourdonnent sous les basses qui s'arrêtent lentement. Les cris s'affrontent, j'entends des centaines de groupies m'appeler.
Tout est terminé. J'ouvre les yeux, écoute, sombre dans ma propre léthargie. L'adrénaline retombe, je m'incline respectueusement devant ce public fidèle et déchaîné. Finalement, je tourne le dos au Grandiose et me retrouve à nouveau seul dans les coulisses de mon esprit vide.

Samedi 24 avril 2010 à 19:24

Titre : Sida
Date de création : 24 août 2009
Genre : Triste - Sentiment de désespoir
Note personnelle : En fait, le titre devrait comporter la mention "en cours" hors, en le relisant, j'ai bien l'impression que je ne peux rien apporter de plus. Alors plutôt que de modifier les choses, je le laisse en version originale.

Me voici là, assis devant toi, à repenser à tous ces moments qui nous ont été volés. Mes genoux frôlent le marbre froid de ta tombe alors que je laisse le bout de mes doigts toucher la seule photographie de toi exposée entre les vases aux fleurs bientôt fanées. Mon visage ne trahit aucune émotion et pourtant, tout au fond de moi, quelque chose s'est brisée. J'ai du mal à avaler ma salive, j'ai mal aux yeux, mais je reste aussi sceptique qu'un mec qui apprend qu'il va mourir –comme toi, il n'y a pas si longtemps.
Il y a encore deux semaines, nous jouions comme des cons au terrain de jeux qui a bercé notre enfance. On a grandi ensemble, on a découvert l'amour ensemble. Nous nous comprenions plus que quiconque.
Je me souviens de ta première copine.
Je me souviens de ton premier vélo.
Je me souviens de tes mains lorsque je m'étais cassé la gueule du toboggan.
N'importe quel moment, je m'en souviens comme si c'était hier. Il a fallu que tu me laisses dans le monde des vivants pour que je vois défiler nos souvenirs communs aussi rapidement qu'un DVD en accéléré. Et alors que je fixe mon regard sur ton visage inerte et souriant, un sanglot s'échappe de ma bouche. Je n'ai pas voulu assister aux funérailles, par craintes d'avoir des représailles. Cependant, je le regrette amèrement. La dernière fois que je t'ai réellement regardé, tu étais sur ton lit d'hôpital...
C'est à cause de moi que tu es mort, et je m'en excuse encore. J'ai pleuré des nuits entières lorsque j'ai appris par inadvertance ce qui t'arrivait. Ma mère en parlait avec la tienne. Ca m'a rendu malade. J'ai vomi tout mon repas, refusé de manger durant des jours... et je suis allé te voir au dernier instant de ta vie.
Quel con j'ai été. Tout ça par rancune. Parce que tu aimais sincèrement ta nouvelle copine, j'ai ressenti une profonde jalousie et une détresse sans précédent, ce qui a provoqué ma perte de contrôle... Et je t'ai violé tout en sachant ce que j'avais.
On a vingt ans. Déjà cinq ans que t'es au courant de ce que mon père m'a fait subir et de ce qu'il m'a légué à l'intérieur –cette maladie irréversible qui me bouffe chaque jour un peu plus. Je te l'ai transmise à mon tour, sans l'avoir voulu, juste sous le coup d'une poussée de possessivité. Quel con... Tu as vécu deux années avec ce virus en toi et tu es mort avant moi... Tu ne m'en as jamais voulu de t'avoir fait subir ça et jamais tu ne m'as avoué que tu étais contaminé. Les jours et les mois passaient sans que tu ne m'en parles. On passait le plus clair de notre temps à faire les cons ; à aller boire un verre au bistrot du coin, à fumer des clopes totalement dégueulasses, à s'installer devant l'unique jeu de rallye avec volant et pédales. Nous avions terminés les cours et nous n'avions même pas envie de trouver un job.
Putain, Mike...
Il fallait que la grippe tombe sur toi pour que tes défenses immunitaires cessent d'opérer et que le Sida prenne de l'ampleur dans tes veines. Du jour au lendemain, hôpital - soins intensifs - morgue. Et moi je traîne ce virus depuis des années... En deux années à l'avoir en toi, t'as succombé plus rapidement que moi. Je suis affreusement dégoûté.
Là, devant ta tombe, je cherche à me faire pardonner sans même savoir ce que tu as pensé durant ces deux ans. La douleur au fond de moi est tellement forte que je ne ressens pratiquement rien ; juste un grand vide dans l'esprit. Le noir entoure mes plus heureux souvenirs et le passé m'échappe complètement. Notre vie a cessé de défiler devant mes yeux et je demeure inlassablement indifférent devant ton portrait. Bien des gens meurent tous les jours, dans notre stupide monde. Et il a fallu que la Faucheuse vienne te prendre à moi, égoïste que je suis.
J'entends un aboiement pas très loin. En dehors du cimetière, un gamin promène son Jack Russel. Irrémédiablement, ça me fait penser à toi. Tu te souviens, quand tu m'as montré Tommy pour la première fois ? Tes parents t'avaient offert ce magnifique Labrador noir à tes sept ans. Tu étais fou de joie. Tellement fou que tu es sorti en tee-shirt dans le froid de décembre pour venir me le montrer.
Mes yeux fixent ce gamin et son petit chien jusqu'à ce que ces derniers disparaissent au coin d'une rue. J'ai mal. Affreusement mal. Le fait de voir ce gosse me tourner le dos alors que ce n'est même pas toi me rend véritablement amer. C'est alors que je ressens toute la pression retomber d'un coup. Je me sens faible, mortifié. Et je me laisse enfin aller à des pleurs retenus durant tant d'heures. La fatigue me submerge, m'enveloppe, mais je pleure encore et encore. Je colle bientôt mon front au marbre froid et mes larmes s'écoulent entre les microfissures.

Samedi 24 avril 2010 à 19:25

Titre : Tu ne pourras plus jamais marcher.
Date de création : 9 avril 2010
Genre : Triste - un peu psycho'
Note de l'auteur : Tout nouveau, tout frais et passablement nul. Mais je vous l'offre quand même. Pour une fois qu'il n'y a pas de mort.

Le vent siffle à mes oreilles. Ca me donne mal au crâne. Je ne pourrais pas dire pourquoi je suis dehors par ce temps et pourtant, j'suis là à me balader comme un pauvre con sur le chemin en terre, assis sur mon fauteuil roulant qui fait désormais parti de moi. Vous me prenez en pitié ? Arrêtez tout de suite ! Je n'ai pas besoin qu'on me regarde d'un air drôle alors que j'ai juste envie qu'on me laisse tranquille. D'ailleurs, vous savez quoi ? J'ai horreur qu'on me regarde. Bien avant que m'arrive cet accident débile, j'en avais déjà horreur.
J'suis un blondinet de quatorze ans, peau très pâle –pigmentation fragile. Depuis ma naissance, m'exposer au soleil est un risque. C'est pour ça que la plupart du temps, je sors par temps maussade ou la nuit. Aujourd'hui, il fait presque nuit. Et le vent souffle comme jamais. Vous savez, le genre de tempête qu'on voit une fois tous les dix ans en France. Mes piercings me renvoient des sifflements aigus et j'ai peine à rester stoïque. Ca fait mal aux tympans, bordel ! Et donc, poussant par la force de mes bras ces maudites roues de mon fauteuil, j'observe le ciel sombre. Quelques étoiles apparaissent entre les nuages gris et la Pleine Lune joue à cache-cache. Je porte un vieux pull en laine que ma mère avait tricoté pour mes huit ans. Il est toujours aussi grand mais il tient chaud. Mes jambes sont nues, n'ayant pas pris le temps de mettre un pantalon je suis sorti en short –l'appel de l'extérieur, peut-être. Avant, j'avais moi-même un regard de dégoût en voyant mes jambes devenir toutes maigres depuis mon accident. J'en ai perdu l'usage alors je ne pouvais plus faire de sport comme quelqu'un de normal. Impossible de marcher, impossible de courir. Maintenant, je regarde mes cuisses d'un œil indifférent. J'étais fautif, j'en ai payé le prix...
Remontons à l'époque de cet accident, si vous voulez comprendre.
C'était il y a trois ans. Ouais, j'avais onze ans. Du moins, presque. Et comme tout jeune du quartier, je voulais impressionner les environs. Je fumais depuis plus d'un an, je volais l'argent de mes parents ; tous ces petits trucs que n'importe quel con connaît dans les quartiers pourris parce que c'est tout ce qu'on sait faire. Et un jour, j'ai piqué un scooter. Magnifique bécane, d'ailleurs. Elle était rouge pétante avec des flammes blanches, donc assez visible pour qu'on la remarque. A croire que c'était fait exprès. Le propriétaire y avait laissé les clés alors qu'il retirait du pognon au distributeur. En moins de deux minutes, j'lui avais piqué son engin et j'étais parti vers mon bloc, là où je vivais en appart' avec mes parents. Arrivé au parking, mes potes sont venus vers moi en extase, ravis et éberlués de me voir sur ce tas de ferrailles aux couleurs vives. J'vous le dis : j'ai frimé à mort ! Et c'était peu dire.
J'ai pris l'un de mes voisins à l'arrière et on a sillonné le quartier de long en large comme des dératés, jouant sur l'accélérateur pour impressionner qui que ce soit qui passerait par là. Mais la virée s'était vite écourtée puisqu'à une intersection, j'ai grillé la priorité à une bagnole cabossée et j'me la suis prise de plein fouet sur le côté. Mon pote a valsé et moi, j'me suis retrouvé coincer sous le scooter : plus de sensations dans les jambes.
Résultat des courses : j'suis handicapé à vie, j'ai eu un traumatisme crânien, j'ai vu mon pote crever à quelques mètres de moi et j'ai blessé une gamine de deux ans qui se trouvait dans la voiture.
Vous l'dis, j'étais complètement con. Et maintenant, j'revis cet enfer dès que je ferme les yeux. J'en suis presque devenu insomniaque. A quatorze ans, on peut être débile. Comme à tous les âges, en fait. Mais c'était la goutte d'eau, j'crois. J'l'ai cherché. Plutôt que d'me la péter, j'aurai dû continuer mes études et devenir un type bien. Ou alors rentrer dans les rangs de l'armée pour me forger mon propre caractère plutôt que de copier celui des autres. Me regardez pas comme si j'étais un monstre. Mon seul regard dans le miroir tous les matins me suffit amplement.
Je suis là, sur le chemin en terre, à observer le ciel sombre. Une mouche vient m'emmerder en tournoyant autour de ma tête plusieurs fois et je tente de la virer à grand renfort de gestuels. Les roues de mon fauteuil se mettent à grincer et j'arrête ma piètre danse pour revenir au sujet de ma venue ici. Je ne sais toujours pas pourquoi je suis sorti. La météo avait annoncé une alerte rouge sur la région et moi, triple imbécile doublé d'un jeune con, je suis là en train de m'extasier sous les nuages gris à essayer de me pardonner encore une fois mon insouciance et ma fébrilité de l'époque. Derrière moi, la maison est calme. Mes parents ont déjà éteint la lumière de leur chambre alors qu'il n'est même pas vingt-et-une heures. Ils ont été présents pour me soutenir et ont toujours pris ma défense. Ils disaient à tous que c'était mon entourage qui m'avait donné cette idée saugrenue de voler un scooter et de jouer avec, que c'était parce que je traînais avec des « racailles » que j'me suis montré aussi con. Ouais. Bah non. J'étais tout à fait conscient de l'erreur que j'commettais. On en fait tous dans notre vie. J'essayais de faire en sorte qu'on me regarde, même si j'détestais ça. J'suis vraiment quelqu'un de contradictoire. Et ça n'empêche pas mes parents de vouloir retirer la charge qui pèse sur mes épaules. Mais cette charge, elle est là et elle ne partira plus jamais. Je grandirai avec et je mourrais avec. J'ai vu mon pote crever en me regardant d'un air accusateur et ça m'a suffit.
Je pose mes mains froides sur mes cuisses maigres et jette un coup d'œil sur le chemin caillouteux. Vous ne savez pas à quel point j'aimerai à nouveau marcher. Vous, vous voulez une superbe bagnole, partir à Miami ou vous taper toutes les nanas en bikini qui passeraient devant vous à la plage ? Moi, j'ai juste envie de marcher. Marcher et sentir à nouveau toutes les sensations que j'ai maintenant oublié ; le vent sur ma peau, le froid du carrelage, la douleur des gravillons, toutes ces choses qui sont si insignifiantes pour vous.
J'ai quatorze ans, j'suis con mais j'ai ouvert les yeux sur beaucoup de choses. Ce serait trop long à énumérer mais mon accident m'a permis d'ouvrir une nouvelle porte sur mon existence. A l'époque, je ne voyais aucune échappatoire au Quartier. Depuis, on m'a offert une nouvelle chance. Même si je suis handicapé à vie, je suis désormais entourée de prés et de forêts, nous vivons dans une grande maison équipée spécialement pour moi, nous avons un chien qui passe son temps à dormir ou à aboyer et j'ai même une petite sœur. J'ai l'air d'être triste ou perdue ? Ce n'est pas parce que je suis fatalement stoïque aux choses que je ne ressens que du négatif. Derrière moi les erreurs et les mauvais jours, derrière moi les conneries des jeunes de mon âge.
Derrière moi drogues, vols et Quartier.
Ici, l'air est frais, loin de sentir le vice. Tout est naturel, tout est merveilleux. J'explore de nouveaux horizons, j'arrive à respirer sans me tordre les côtes sous l'odeur des pots d'échappement ou des cigarettes Ducal complètement dégueulasses. Ici, je vis au jour le jour, observant les animaux furtifs et les arbres frissonner sous le vent. Le soleil est différent, tout comme la Lune et le ciel en général. On voit les choses sous un autre angle.
Mais mon envie de marcher s'agrandit. Plus je vois ces herbes folles se balancer au gré du vent, plus j'ai envie de marcher à même le sol et de sentir la fraîcheur que cela m'inspire. Et même si j'sais que c'est impossible, j'ai quand même envie d'essayer. Ouais, il est tôt et la tempête annoncée approche. Je prends pourtant le risque. Et je m'empare de ma cuisse avec force, serrant les doigts dessus pour soulever ma jambe. Je fais pareil avec l'autre, joignant les pieds sur le sol alors que je ne sens rien. Je me hisse par la force de mes bras sur le fauteuil pour me lever, un coup de bassin pour vivement me redresser et... je chute vers l'avant pour me retrouver le visage dans la terre.
Génial.
J'pensais à quoi, au fait ? A un miracle ? N'importe quoi. Mais mes mains touchent l'herbe fraîche et je me redresse avec difficulté pour voir ça de plus près. Mes jambes sont tendues et je ne sens rien du tout, pas même cette foutue mouche qui se pose sur mon tibia tout fin. Je lève mes yeux vers le ciel sombre, vers la Pleine Lune qui disparaît à nouveau derrière les nuages, et je serre la mâchoire. Expirant avec exaspération, j'me laisse tomber sur le dos avec fatalité et ferme les paupières. Au loin, j'entends un coup de tonnerre et le bruit m'envahit les oreilles pendant un instant. J'en avais oublié que le sifflement incessant du vent s'était calmé depuis que j'étais tombé.
J'ai l'air con, le visage plein de terre. J'm'en fous. J'ai décidé de rester là pour la nuit. De toute façon, j'pourrais pas me relever sans aide puisque mon fauteuil n'a même pas un cran de sécurité pour qu'il reste en place le temps que je m'y réinstalle. Alors je soupire maintes et maintes fois, gardant les yeux fermés et écoutant simplement l'orage qui se rapproche alors que le froid passe à travers mon vieux pull en laine. Vous croyez que j'ai envie de mourir ? Bah tiens, ce serait marrant. Avoir attendu tout ce temps pour mettre fin à mon existence ? Ce serait stupide, nan ? Vous me prenez pour un con ou un suicidaire ? Arrêtez donc. Déjà, y a que moi qui aie le droit de me traiter de con. Et suicidaire, j'en suis pas un. J'suis juste quelqu'un de bloquer envers les gens, maintenant. Je n'ai pas envie de me faire d'amis, je n'ai aucun geste affectueux envers ma petite sœur et je ne cause même plus avec mes parents. J'ai l'impression d'être une statue mobile et j'crois même que c'est le cas. J'suis très bien tout seul.
Et alors que j'entends vaguement ma mère m'appeler sur le perron sans voir mon fauteuil roulant dans la nuit, j'me met à chialer comme un gosse, couvert de terre et d'herbe, les bras sur le visage et la mâchoire serrée.
Je ne marcherai plus jamais.

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