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~Antre de Riku-san~

Samedi 24 avril 2010 à 19:28

Titre : Sale bâtard
Date de création : 17 octobre 2008
Genre : Triste - Une scène gore

_ Embrasse-moi.
_ Et puis quoi encore ?
_ Allez, un petit bisou.
_Vas chier.
Jamais nous ne nous étions embrassés. J'avais beau te le demander des centaines de milliers de fois par jour, jamais tu ne cédais. C'était à se demander si tu m'aimais vraiment. Pourtant, je n'abandonnais pas, recherchant ta chaleur toutes les secondes. Même en cours, impossible que je me détache de toi. Les potes nous regardais bizarrement et j'en avais rien à foutre. Du moment que je restais collé à toi.
Tous les matins, on se retrouvait au portail du lycée, marchant côte à côte jusqu'à notre salle de cours. Je ne pouvais pas imaginer ma vie sans toi. Dingue de penser qu'à 17 ans, on est pu rencontrer l'amour de sa vie. En tout cas, je n'étais pas prêt à te lâcher les baskets.

Aujourd'hui, il pleut. La veille, ma mère m'a fait part d'une nouvelle : un accident était survenu dans le coin, entraînant la mort de l'un des élèves de l'école. Il y en a des centaines. Je ne me suis donc posé aucune question. Arrivé devant le portail, tu n'étais pas là. Où est-ce que tu es, Marc ? J'observe, je guette. Rien. Tu ne viens pas. Alarmé, je me demande ce qui t'es arrivé pour que tu sois en retard. J'attends la sonnerie du début des cours puis, d'un pas lent, marche vers la salle. Tu n'es pas là et je n'ai aucune envie d'être là.
Le prof fait son récit habituel, nous emmerdant plus qu'autre chose avec ses racines carrées et tout le bordel. Je n'ai pas envie de me concentrer. Seul ton image se précipite dans tous les sens, m'arrachant des coups de marteau dans le crâne. J'en ai assez. Je me lève précipitamment, réveillant la plupart des potes qui somnolaient, et me dirige avec hargne vers la sortie. J'ai mal. Pourquoi tu n'es pas là ?
Marc, le plus beau mec de l'école.
Marc, le chieur de tout le monde.
Marc, le type bagarreur et sûr de lui.
Marc, tout simplement.
Je me casse du bahut. La Grand'Rue m'appelle. Premier détail : deux voitures de flics. Second détail : le contour blanc, sur le sol, d'une personne morte ici. Troisième détail : du sang. Je m'approche, inspecte, et me fait attraper par l'épaule. Un gendarme me fixe dans les yeux, sévère.
_Tu ne devrais pas être en cours, toi ?
Que répondre ? Je n'ai pas envie d'y retourner. Je suis bien là, sous la petite pluie et la fine bruine qui s'installe. Mes cheveux sont collés contre mon front, ma tête continue à me martyriser. Je veux juste savoir où tu es. Marc, tu m'as abandonné ou quoi ?! Le flic se met alors à m'interroger.
_Tu connais un certain Ronald Durois ?
Je réponds affirmativement. Ronald est un type qu'on ne pouvait pas s'encadrer, le genre de mec à lunettes totalement méprisable par son intelligence et son apparence superficielle. J'ai toujours voulu le frapper pour qu'il évite de poser ses yeux sur toi, Marc. Parce que Ronald, lui, il t'aimait aussi. Ce snob ne te méritait pas. Le gendarme reprend la parole.
_Il est mort ici, percuté par une voiture. Le conducteur, Marc Miles, est en garde à vue. Le connais-tu aussi ?
Marc, le plus beau mec de l'école.
Marc, le chieur de tout le monde.
Marc, le type bagarreur et sûr de lui.
Marc, l'assassin...
_Il était ivre au volant de sa voiture. Il fêtait certainement son obtention du permis.
Oui, tu as un an de plus que moi et tu passais ta conduite. Allais-tu me dire que tu avais eu ce putain de permis ? Quelle idée de fêter ça tout seul, hein ? T'as tué Ronald le bigleux pour te retrouver derrière des barreaux ? Un majeur ne passe pas inaperçu.
Sans vouloir en savoir plus, je suis parti. Je n'avais aucune envie d'en entendre plus sur le sujet. J'en savais déjà de trop. La pluie se fit un peu plus forte. Je suis trempée, maintenant. Je marche le long de la rue, cherchant un endroit où m'installer. Je déboule sur le parc de jeux, ce parc où on se retrouvait souvent le soir. Je m'assoie sur une balançoire, je fixe le sable mouillé du sol. Alors, on ne se reverra plus ? Cette question me trotte dans la tête. J'ai la haine contre toi. Et, pourtant, je ne t'en veux pas. Comment expliquer ce sentiment ? Un miaulement me fit tourner la tête. Un chat m'observait, à quelques mètres de là, sous un abri de bois.
J'ai la haine contre toi.
La haine contre toi.
Contre toi.
Toi.
J'approche de l'animal craintif. Il est prêt à me sauter dessus. Je le choppe par la peau du cou, rapidement, évitant ses coups de griffes. Je le fixe un instant, perturbé par mes propres pensées. Alors, je le balance, le fracasse au sol, pose mon pied dessus en l'écrasant un peu plus. Il gémit, me nargue du regard, joue des pattes pour se libérer. Ma chaussure l'écrase un peu plus, jusqu'à entendre le craquement de ses côtes. Les yeux du chat sont exorbités, il gueule et gémit en même temps. Il m'énerve. Et j'ai la haine contre toi. Je soulève mon pied, comme attiré par une force magnétique, et finit par frapper le félin avec la semelle bien à plat. Ecrasé, brutalisé, il perd la vie.
Et moi je la garde.
Enfoiré.
Connard.
Sale bâtard.
Du sang a giclé de la gueule du chat pour atterrir sur mes pompes. Ma mère va me tuer. Un dernier coup de pied dans le ventre du chat pour l'envoyer valser et je m'en vais. En fait, je déteste ce parc. Et je te hais toujours autant.
Chacun de nous a tué, maintenant. On est au même stade. Sauf que, pour un animal errant, je ne me prendrai rien. Toi, t'as joué ta propre vie. Vas chier. Je te déteste.
Et j'arrive chez moi. Par chance, mon père n'a pas fermé le garage. Je vais dedans et déniche une corde qui, normalement, servait au terrain de tennis lorsqu'on y allait. Je regarde le plafond. Un crochet, là où papa avait décidé d'attacher le punching-ball. Je trouve une chaise, me hisse dessus, et attache la corde avec force. Je fais un nœud à l'autre extrémité, passe ma tête dedans.
Je vais mourir.
Parce que tu vis.
J'écarte ma chaise sans hésitation et tombe dans le vide. La corde me lacère la gorge, me coupe la peau, et je m'étrangle doucement. Putain, ça fait mal ! Je me débats, j'essaie de retirer cette corde et de chercher la chaise en même temps. Mais elle est tombée. Pas moyen. J'essaie de hurler et ne gagne qu'à sentir mon sang couler le long de mon cou.
Enfoiré.
Connard.
Sale bâtard.
Voilà la situation dans laquelle je me trouve, à cause de toi ! Et je crève, sans t'avoir dit à quel point je te déteste. Ni même à quel point je t'aime.
L'amour n'est séparé que par une petite ligne de la haine.
Je t'aime, sale bâtard.

Samedi 24 avril 2010 à 19:30

Titre : Le récit de l'étalon
Date de création : 5 avril 2009
Genre : Point de vue animal - Réalité

J'ai bientôt un an. Oui, bientôt un an et je suis destiné à reprendre le rôle de mon père, chef des étalons sauvages de la contrée. Grand, fort et courageux, mon père a vu évoluer tout le clan depuis des années. Fier de porter son pelage noir, je gambade fièrement dans la prairie en compagnie des autres poulains.
Il nous est interdit de franchir les premiers arbres de la forêt. D'après ma maman, le danger rôde partout, et surtout à couvert. Alors je préfère jouer non loin d'elle.
Le soleil est haut, dans le ciel. Papa m'a dit un jour que ce grand rond jaune et lumineux nous servait de guide depuis la nuit des temps, laissant aux chevaux la possibilité d'être libres. Nous allons bientôt quitter ces terres pour trouver d'autres herbes à manger avant l'hiver. Papa tient absolument à être en alerte chaque minute qui passe. C'est pourquoi il s'interdit de jouer avec moi. Alors je compense son absence avec les autres jeunes de mon âge.
Cela fait deux bonnes heures que je m'amuse à travers la prairie. Maman me surveille, je le sens. Alors ça me rassure. Seulement, en entendant un long cri d'agonie non loin, je m'arrête et dresse les oreilles avec peur. Je vois l'un des chevaux du clan tomber sur le côté, inerte. Alors tout le monde se met à galoper et moi, je reste planté là. J'ai peur. Ma respiration est rapide et je me suis épuisé à jouer avec les autres. Du coup, je suis le seul à être à l'arrêt. Tout le monde part dans la direction opposée...
C'est alors que je les vois : deux humains sur des chevaux scellés, fusils et cordes en main. Papa m'a expliqué qu'ils étaient nos plus grands ennemis, qu'ils faisaient tout pour nuire à notre liberté.
Je me mets alors à galoper. Pas dans le sens qu'a pris ma mère mais dans l'autre, droit vers les hommes. Je suis aussi brave que mon père... Oui ! Je galope, de plus en plus vite, tambourinant la terre de mes sabots. Je dois m'enfuir ! Devant moi, les chevaux se resserrent, guidés par les rênes que tiennent les bipèdes. L'issu se retrouve alors bloquée mais je ne m'arrête pas pour autant. Je souffle des naseaux, je fais monter mon courage d'un cran et... je prends un virage serré sur la droite, les évitant de justesse. Je dérape légèrement mais continue ma course folle. Les chevaux se sont cabrés et l'un des hommes est tombé. Hennissant mon contentement, j'accélère une nouvelle fois en direction de la rivière. Derrière moi, le deuxième homme me suit rapidement, pointant son arme vers moi.
Respirant à pleins naseaux, paniqué par le coup de feu qui siffle à l'une de mes oreilles, je me mets à zigzaguer jusqu'à l'eau et saute comme une biche pour traverser rapidement. Une fois de l'autre côté, je reprends mon souffle et observe l'homme qui s'est arrêté devant la rivière. Il m'observe, me fixe... Son fusil n'est plus braqué sur moi. Mes oreilles sont dressées vers lui alors que je respire encore rapidement. Je suis encore trop petit pour ce genre de jeu suicidaire. Mon père va me gronder, c'est certain.
Fier d'avoir tout de même réussi le plus dur, je me cabre en hennissant, jouant de mes pattes avant dans l'air pour les reposer ensuite farouchement sur le sol. Puis, rapidement, je fais demi-tour et m'éloigne de la rivière en galopant à nouveau. Même si je n'ai pas repris totalement une respiration normale, il faut que je m'éloigne. Sécurité avant tout.

Les mois ont passé. Je suis devenu l'étalon noir que mon père voulait comme chef de clan. J'ai passé des journées entières à traverser les plaines et les montagnes, essayant en vain de rejoindre ma famille. Jamais je n'ai retrouvé la trace de l'un des chevaux de la tribu. Cheval sauvage et libre, je voyage avec l'espoir encore au ventre. J'ai grandi trop vite, oubliant les jeux et l'innocence de la jeunesse, bravant les interdits pour rester en vie. Plusieurs humains ont croisé ma route, mais personne n'a encore osé me capturer. Ce n'est qu'une question de temps, je le sais. Pour le moment, ils se méfient de moi.
La lune est pleine, ce soir. Les étoiles brillent de milles feux et je me demande si ma mère est encore en vie. Je continue ma marche, sans oser m'arrêter. Le monde est vaste et difficile à reconnaître. Mes pas m'ont conduit plusieurs fois dans les forêts où les ombres semblent cruelles et sanguinaires. Cette fois, je suis dans une clairière et je trottine doucement sur la neige froide. Un vent froid se lève et secoue ma crinière noire. Les flocons me tombent dans les yeux et je souffle bruyamment des naseaux. C'est alors que je repère une lueur, droit devant, à quelques mètres. Croyant à un quelconque bipède, je tourne sur ma gauche et avance lentement dans l'ombre des arbres. J'entends alors un hennissement, puis un autre, des bruits de sabots sur une terre non couverte de neige. Ce n'est pas ma famille, impossible. J'aurai reconnu leur odeur.
J'entends le craquement d'une brindille derrière moi et dresse l'oreille en tournant la tête. Une corde vint alors entourer mon cou et je me cabre rapidement avec panique. Je martèle la neige de mes sabots avant de galoper vers la lumière qui se rapproche encore. Je croise alors une horde de chevaux sur le qui-vive. L'un d'eux, d'un blanc aussi pur que la neige, croise mon regard et observe la corde qui me serre le cou. Un poids la resserre encore jusqu'à ce que je comprenne qu'un humain y était solidement accroché à l'autre extrémité, hurlant de frayeur. J'arrête alors ma course un peu plus loin, après avoir traversé tout le clan de chevaux sauvages. L'étalon blanc que j'ai croisé s'avance vers moi et c'est alors que je comprends mon erreur de jugement : c'est une jument ! Elle s'arrête à côté de l'homme et le sent rapidement. A quoi joue t-elle ?
Elle marche vers moi en me fixant puis se stoppe et approche son museau de moi. Réticent, je recule. Elle le remarque mais ne s'arrête pas pour autant, venant alors mordre la corde qui m'entrave le cou jusqu'à la couper en deux. Secouant la tête pour retirer entièrement la corde, je joue des sabots sur la neige et observe l'homme qui se relève avec difficultés. Il n'est pas rassuré et recule de quelques pas en me fixant avec méfiance. Qu'est-ce qu'il croit ? Que je vais l'attaquer ?
La jument blanche passe devant moi et pousse un léger râle en direction de l'humain. Ce dernier pousse un soupir soulagé, croisant les mains comme s'il priait. Il recule encore, se retourne et grommelle un truc du genre :
« 'Sont malins, les ch'vaux sauvages. 'Patron va m'tuer. »
Je n'essaie pas de comprendre ce que ce langage veut dire. Je suis la jument des yeux. Cette dernière s'éloigne, suivit par le reste de la troupe. La lueur que j'avais aperçue plus tôt, d'où venait-elle ? Je vois alors qu'un feu de camps était allumé, un peu plus loin. La nuit est toujours aussi sombre et je ne distingue plus rien des chevaux sauvages. Bon sang. Je galope alors dans leur direction et les atteint enfin. Ce serait peut-être plus judicieux de les suivre. La jument blanche tourne l'oreille vers moi, m'observe du coin de l'œil et secoue sa crinière grisâtre. Pas mal, pour une jument.

Après tout ce temps passé avec ce groupe, j'en ai oublié ma priorité : retrouver mon clan. J'ai atteint l'âge de devenir le chef à la place de mon père. Adulte et vigoureux, je galope chaque jour autour de ce clan que je suis depuis deux années. La jument est compréhensive et me laisse faire. En fait, elle est à peine plus âgée que moi.
Mais il fallait à tout prix que je retrouve les miens. Ca faisait maintenant trop longtemps que j'ai vécu sans ma mère et les poulains avec qui je jouais. C'est pourquoi, alors que le groupe de la jument dormait sur la prairie verdoyante, je me suis approché doucement d'elle. Elle dresse les oreilles puis lève le museau vers moi pour me regarder. Je pousse alors un léger râle et gratte le sol du sabot.
Je dois partir.
Elle baisse les oreilles vers l'arrière, s'avance vers moi et passe sa tête dans ma crinière sombre. Nous avions appris à nous accepter et il y avait une fin à cette histoire. Je lui donne un coup de museau sur le cou et recule de quelques pas. Pendant un moment, je la fixe sans oser bouger. Finalement, elle baisse la tête et je pars au grand galop, loin d'elle, loin de cette prairie et de ces chevaux qui m'ont accepté comme l'un des leurs.

Après plusieurs heures, le soleil décline à l'horizon. Je n'ai pas vu la journée passer. Je hume l'air et crois rêver lorsque je sens l'odeur caractéristique de ma mère en train de paître non loin. Je hennis avec rage et victoire, poussé par une curieuse force naturelle, courant vers ce clan qui avait disparut trois années auparavant. Les membres de mon clan se dressent, me reconnaissent et m'acclament en se cabrant et en hennissant aussi bruyamment que moi. Ma mère galope vers moi, on se sent, on se heurte la tête... On se retrouve.
J'entends le puissant râle de mon père et tourne ma tête vers une petite colline. Il est là, fièrement dressé sur ses pattes, crinière agitée au vent. Content de l'avoir retrouvé, je galope vers lui et me tient à ses côtés, fixant la plaine et les chevaux en liberté.
Enfin...
Alors, doucement, mon père s'éloigne et rejoint ma mère en contrebas. Je reste seul sur cette petite place qui, désormais, sera la mienne jusqu'à ce que mon futur fils prenne la relève. Je repense à tout ce que j'ai traversé, aux dangers que j'ai affronté ; et à cette jument blanche qui n'a jamais cessé de croire en mes capacités de chef. Je me sens capable de tout, maintenant. Mon enfance a été brisée mais j'en ai gagné une fierté incomparable.
C'est alors que je sens une odeur suspecte. Alors que le vent me fouette les yeux, je hume en dressant les oreilles en tout sens. Je vois alors surgir des chevaux par là où je suis arrivé. La jument est là, galopant dans le vent, hennissant avec hargne pour prévenir du danger. J'entends alors le cri des humains prêts à recommencer une capture. Ils sont sur leurs chevaux, armes et corde à la main, comme la première fois que je les ai vu. Cette fois, ils étaient cinq.
Sans réfléchir, je bondis en avant, m'éloigne de la colline pour avancer vers eux farouchement. Je suis un adulte et un chef de clan, désormais ! La jument passe non loin de moi et me regarde pendant un instant. Je fonce vers l'un des cavaliers et heurte le flanc de son destrier à coup de tête. L'homme tombe et ne se relève pas. Un coup de feu retentit, un cheval hennit fortement. Ma mère tombe sur le côté, incapable de se relever. L'un des hommes s'approchent d'elle et je galope vers lui avec rapidité, l'envoyant valser avec son cheval. La jument blanche tient tête à un autre homme après l'avoir fait tomber de son cheval, et tente de le piétiner sous ses sabots. Ma mère agonise lentement mais sûrement... Mon père, fier et toujours d'aplombs attaque aussi les humains pour protéger notre clan. En fait, l'horreur est là. D'autres coups de feu retentissent, d'autres chevaux tombent et je remarque alors le cinquième cavalier sur la colline. Je contourne rapidement la prairie, galope sur les cailloux puis me lance dans les hautes herbes. De là, j'avance avec précaution, essayant de ne pas me soucier de nouveaux coups de feu, jaugeant plutôt la situation et à savoir où cet humain se trouvait. Là, à quelques mètres devant moi, son cheval est attaché à un arbre. Je sors de ma cachette et fixe l'homme qui se tourne alors vers moi en pointant son arme et je saute en entendant le coup de feu. L'humain se retrouve coincé sous mon poids alors qu'on dévale la petite colline ensemble. Je sens une horrible douleur au niveau de mon ventre et la chute s'arrête enfin. L'homme gémit, se redresse difficilement et me regarde. Je souffle des naseaux, je tente de me relever mais retombe mollement sur le côté. L'odeur du sang couvre les odeurs de la nature. Je vois mon père s'approcher, accompagné de la jument blanche et de quelques autres chevaux. Enervé, papa mord l'air non loin de la tête de l'humain qui se lève et court sans trop savoir où aller, suivit par deux chevaux du clan. Je me sens engourdi mais je suis fier de moi une fois de plus. Je n'ai pas pu sauver tout le monde mais j'ai pu éloigner les humains pour un temps. Je tente une nouvelle fois de me lever mais la douleur est trop flagrante et je gémis en laissant la tête tomber sur l'herbe.
Papa. Je suis si fier d'être ton fils.
Mon père semble partagé entre la fureur et la tristesse. J'en ai certainement trop fait. Je sens alors la jument s'allonger derrière moi et je lève un peu la tête pour tenter de la voir. Elle fait en sorte de placer ses pattes avant sous ma tête. Ma position est un peu plus confortable. Le froid m'envahit doucement alors que le soleil tape. Maman a rendu son dernier soupir et certains chevaux de la horde allaient et venaient en essayant de chercher des survivants. Finalement, je me sens triste. J'ai voulu retrouver ma mère pendant si longtemps, et voilà comment ça se termine. La jument blanche passe son museau dans ma crinière, mon père baisse les oreilles. Je comprends alors l'ampleur des dégâts et me prépare à rejoindre ma mère, quelque part au-delà de ces montagnes.

Les humains pensent toujours avoir raison et se disent que les animaux n'ont aucun sentiment. Tout comme eux, nous essayons de protéger notre progéniture, notre famille. Ils nous arrachent pourtant les êtres qui nous sont chers, comme s'ils se vengeaient d'une chose que nous n'aurions pas commise. Notre liberté n'a jamais rien eu à voir avec eux, pourtant ils nous l'enlèvent de plus en plus. Papa m'a toujours dit de me méfier. Et même si j'étais sceptique, j'aurai voulu leur laisser une chance. C'est en s'entraidant qu'on devient plus fort. Pourtant, ils ont préféré nous tuer.
Avec la bravoure de mon père, j'ai essayé de sauver une partie du clan. Je sais pourtant que les humains reviendront et que les chevaux sauvages disparaîtront un jour. Cependant, il faudra inscrire ça dans leur cerveau de bipède débile que nous avons tout autant de sentiments qu'eux ! Sinon, nous ne risquerions pas notre vie pour sauver nos compagnons.
J'aime à penser qu'un jour, les massacres finiront. Et c'est en rendant mon dernier soupir que je souhaite, du plus profond de mon être, que les humains ouvrent enfin leur cœur à la nature.

Samedi 24 avril 2010 à 19:31

Titre : Le récit du chat
Date de création : 16 janvier 2008
Genre : Point de vue animal
Note : J'avais commencé ce texte en l'honneur de Kyo, mon chaton mort après avoir été percuté par une voiture. J'ai imaginé sa vie d'avant, avant qu'il ne soit avec nous. Je n'ai jamais continué ce récit mais, sur un forum, il a été jugé "percutant". Alors je le livre ici.

Le froid. Je ne sens que le froid dans ma petite fourrure mouillée. Où suis-je ? Qui suis-je ? Je sens enfin quelque chose de chaud sur ma tête. C'est râpeux. Qu'est-ce ? Je ne peux ouvrir les yeux mais émet un léger grognement de satisfaction. Je tente de bouger mes pattes mais elles sont toutes engourdies. Puis je sens un corps chaud contre le mien. Serait-ce Maman ? Oui, sûrement. Je me sens bien là, protégé et au chaud. Je m'endors...

_____________

De la lumière. Il y a de la lumière qui me fait mal à travers mes paupières. J'ouvre doucement les yeux et les accommode au matin. Le sol est tout proche de mon menton, un ronronnement me fait dresser les oreilles juste à côté de moi. On se frotte contre moi. Je tourne la tête vers mon frère, qui est là, somnolant encore au côté de notre sœur. Cela faisait quelques mois que nous étions nés et Maman jouait souvent avec nous. Mais elle désertait très tôt le matin pour nous chercher à manger... C'est ce que je n'aimais pas. A chaque fois, je sentais le danger peser sur nous et je ne saurais protéger mon frère et ma sœur si un chien ou un énorme chat venait à trouver notre cachette dans les cartons.
Je miaule doucement, réveillant ainsi ma petite famille. Les deux dressèrent les oreilles et moi, de même, observait vers le bout de la ruelle. Là-bas, dans la petite ville, des humains marchaient. Certains étaient pressés à l'approche de Noël. Il faisait froid... Beaucoup de personnes avaient des paquets cadeau déjà dans les mains et ne savaient plus comment regarder devant eux. J'étire doucement mes pattes avant, vint en lécher un de ma langue râpeuse, la même que Maman, et je me lève. Encore un regard vers le bout de la ruelle et je donne un petit coup de museau dans le ventre de mon frère. J'espère qu'il ne va pas se précipiter vers les humains... Il a l'art de se retrouver dans des situations plutôt périlleuses mais c'est toujours Maman qui le sauve au bon moment. Elle nous a toujours fait comprendre que les hommes nous détestait parce qu'on était sauvage.
Ma sœur se réveille à son tour et nous nous assîmes sur la petite couverture improvisée faite avec un pull délavé et troué en laine. Notre regard baladait la ruelle.

Maman, où es-tu ?...

Une ombre se dessine à l'autre bout, là où notre refuge terminait en cul de sac. Nous nous mîmes à miauler, espérant que ce soit notre mère qui revenait avec une ou deux souris à nous mettre sous la dent. Nous étions encore trop petits pour partir à la chasse.
Mais l'ombre qui s'approchait était bien plus grosse que la stature de Maman et mon instinct me prévint qu'il y avait sûrement un danger. C'est pourquoi je me reculais dans la boîte en carton faisant notre logis et tira sur la queue de mon frère pour qu'il dise aussi à ma sœur de rentrer. Plus loin, un long miaulement sinistre nous firent dresser les oreilles, puis les baisser de peur. Sûrement l'un de ces grands mâles qui faisaient la loi, comme Maman nous l'avait appris. Et ils étaient dangereux avec les petits chatons comme nous, les prenant pour de simples repas.
Alors qu'on pensait vraiment mourir pour notre si jeune âge, un éclair noir et blanc passa juste devant nos yeux et le grognement de Maman se fit entendre. Le matou qui était venu troubler notre solitude se mit à miauler de mécontentement avant de se faire rapidement virer par la maîtresse des lieux. Lorsque nous fument seuls avec notre mère, nous nous élançâmes vers elle pour miauler de joie.

Tu nous as manqué Maman.

Un peu plus loin, elle avait lâché les deux petites souris qu'elle avait capturées pour nous et elle les ramena gentiment dans le carton pour qu'on puisse manger à notre faim.

_____________

Quelques jours après cet épisode, un nouveau matin de décembre, alors que tous les humains s'étaient enfermés pour fêter Noël, Maman était encore partie à la chasse. Mon frère, le premier réveillé cette fois, miaula avant de s'élancer vers la grande place où, habituellement, les hommes se bousculaient pour acheter de quoi manger. Grognant contre son inconscience, je réveillais d'abord ma sœur avant de m'élancer à mon tour, regardant bien si elle me suivait. Nous fument alors trois chatons noir et blanc à vagabonder sur cette grande place de pavés que nous voyons pour la première fois depuis notre existence. Maman nous avait plusieurs fois interdit d'y aller. Mais mon frère n'en faisait toujours qu'à sa tête par moment... Donc, trois petits chatons affamés attendant leur mère, nous marchions à la conquête de n'importe quoi qui pourrait nous intéresser. Nos jeux pouvaient tourner parfois au vinaigre, c'était pour dire. Espérons simplement que, comme d'habitude, notre mère nous sauverait à temps. Nous comptions toujours sur elle.
Mes oreilles repèrent un bruit suspect non loin. Je lève les yeux vers une fenêtre. De l'autre côté de la vitre, un chat blanc avec un collier nous fixait, grattant sur le verre en miaulant doucement. Une femelle, oui. Je miaule à mon tour avant de voir qu'un humain l'avait alors doucement prise dans ses bras pour la retirer du rebord de fenêtre et l'emmener avec lui. Me retrouvant surpris par tant de douceur, je ne remarque pas tout de suite le miaulement désespéré de mon frère. Finalement, je tourne la tête vers lui et vit qu'il s'était coincé la patte dans un caniveau. Comment le sortir de là ?...

Maman, tu as toujours été là...

Le miaulement de mon frère devenait de plus en plus angoissant. Il avait vraiment mal. Je me suis précipité vers lui pour lui passer un coup de langue sur la tête, désireux de lui faire comprendre que tout allait bien, qu'il allait se faire aider. C'est alors que je vois un humain sortir de chez lui. Ayant peur, puisque Maman nous disait de s'en méfier, je m'éloignais rapidement, accompagné de ma sœur. Cachés derrière un pot de fleurs en pierre complètement gelé, nous regardâmes ce qui se passait. L'homme regarda l'état de mon frère coincé et se frotta les cheveux de ses mains gantées, faisant une petite grimace qui, je le voyais bien, semblait assez contrariée. Que s'apprêtait-il à faire ? Encore une fois, il examina mon frère pour, enfin, lui prendre le cou et le lui tordre rapidement.
Baissant les oreilles, j'entendis à peine de cri de douleur pousser par mon frère avant qu'il ne meurt sous mes yeux. L'humain, lui, le fixa en déclarant :

« Tu n'aurais pas pu survivre, petit. »

Tristes, ma sœur et moi ne montrions pas notre présence et firent demi-tour pour rejoindre notre ruelle. Là, notre mère attendait, ayant tout vu de la scène. Assise, elle bougeait frénétiquement la queue, signe qu'elle était énervée mais aussi déçue. Elle nous mordit l'oreille à tout deux en nous grognant dessus et la journée se termina ainsi.

_____________

Quelques mois plus tard, bien que nous gardions notre frère en mémoire, ma sœur et moi préférions passer près du caniveau où l'humain l'avait tué pour ensuite le décoincer. Cela nous le rappelait, ainsi nous ne pouvions que nous souvenir de lui. Maman, elle, restait toujours en retrait, accablée par le fait que nous ne soyons que de pauvres âmes en peine qui marchaient lentement, le ventre contre terre, à s'en vouloir pour la mort de notre frère. Beaucoup d'humains disaient que les animaux ne ressentaient pas les sentiments ni les émotions qu'ils possédaient, que nous n'étions que des bêtes qui ne pensaient qu'à survivre. Mais nous, au moins, nous nous battions avec les moyens du bord, utilisant notre intelligence pour chasser et non pour créer des choses destructrices !
Donc, une nouvelle fois près de ce caniveau, alors que l'été approchait rapidement, j'observais autour de moi. Les hommes et les femmes étaient tous de sortie, ne nous jetant aucun regard, nous ignorant pour continuer leur quotidien. C'est alors que j'aperçus la chatte blanche dehors, sur le même rebord de fenêtre où je l'avais vu en hiver. Elle regardait partout, observait, guettait, libre enfin de l'autre côté de la vitre. Elle était déjà adulte, sûrement le même âge que Maman. Nos regards se rencontrèrent alors et elle décida de quitter son perchoir pour venir en trottinant vers moi. En fait, de près, elle était très belle. Ses poils blancs étaient brillants et doux, ses yeux étaient d'un bleu ciel magnifique et elle semblait aussi gentille qu'aristocrate. Maman détestait les chats domestiques...
Une fois devant moi, elle me passa un coup de langue sur la tête. Je baisse mes oreilles sous la méfiance, la laissant tout de même faire. J'approchais de mon âge adulte alors pourquoi allais-je jouer ? Mais son geste me fit comprendre qu'elle savait pourquoi ma sœur et moi tournions autour de ce caniveau chaque jour. Triste à cette idée, je ne pus que m'approcher de cette chatte et de me coller doucement à ses poils, me couchant à même le sol pour ne plus trouver la force de me relever.
Ma sœur me rejoignit, s'asseyant plutôt à côté de la chatte blanche, ronronnant doucement. Au loin, j'ai vu ma mère nous regarder, assise à la sortie de notre ruelle...

Pourquoi tu n'as pas bougé ce jour-là ?

« Maman ! Maman ! Regardes les chats ! »

Une enfant avec sa mère s'approcha de nous. Dressant les oreilles, je me relevais avec méfiance pour reculer doucement, grognant. Ma sœur fit de même mais la chatte blanche resta sur place, posant son fessier à terre et se léchant la patte avant avec délice. La gamine s'intéressa davantage à ma sœur et elle fit quelques pas vers elle, approchant une main vers elle. Alors ma sœur lui asséna un coup de griffes et c'est alors que la mère de l'enfant porta un coup de pied contre elle. Elle vola alors quelques mètres plus loin, atterrissant lourdement sur le flanc. Me précipitant vers elle, je n'ai pas vu la chatte blanche cracher vers l'humaine et me suivre.
Près de ma sœur, je lui donna un léger coup de museau sur le sien pour voir si elle vivait encore. Sa respiration était lourde, quelques gouttes pourpres sortaient de ses narines.

Non... Pas toi...

Miaulant avec acharnement et mélancolie, je laissais la chatte blanche lécher ma sœur dont le ventre se gonflait de moins en moins au fur et à mesure que son cœur arrêtait de battre. Maman, elle, était toujours au même endroit. J'étais alors le seul de la portée... Partant en courant vers ma mère, la chatte blanche me barra le passage. Miaulant, j'essayais de comprendre ce qu'elle me voulait. C'est alors qu'elle me pris par la peau du cou, dans sa gueule, jeta un regard à ma Maman et m'emmena alors avec elle vers les maisons humaines.

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